Valéry Giscard d'Estaing, le président qui a vu naître l'informatique personnelle

Jean-Baptiste Leheup |

Valéry Giscard d'Estaing, l'ancien Président de la République entre 1974 et 1981, est décédé aujourd'hui, à l'âge de 94 ans. Il était hospitalisé au CHU de Tours depuis la mi-novembre. Nous ne reviendrons bien sûr pas sur les grandes lignes de sa biographie, d'autres s'en chargeront beaucoup mieux que nous.

Cependant, pour apprécier l'époque où « VGE » était président, il faut se rappeler qu'au moment de son élection en 1974, Apple n'avait pas encore été fondée (1976), pas plus que Microsoft (1975), et que le microprocesseur venait de fêter ses trois ans. Le TGV n'avait pas encore fait son apparition (1981), le RER A s'appelait encore Métro Régional et l'aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle n'avait été inauguré que deux mois plus tôt. On n'avait encore inventé ni l'ADSL (1988) ni le CD (1982), et l'ORTF n'avait pas encore laissé sa place à TF1, Antenne 2 et FR3.

Du côté de l'informatique, si l'effort français durant le septennat Giscard n'a pas laissé un souvenir impérissable, on peut cependant remarquer qu'un plan d'envergure fut décidé : le « Plan pour le développement des circuits intégrés en France », annoncé le 23 mai 1977. L'objectif de ce plan, doté d'un budget de 600 millions de francs sur cinq ans (plus de 350 millions d'euros, en tenant compte de l'inflation), était de rétablir la balance commerciale de la France, qui importait 80% de ses besoins en puces informatique à l'époque. Ce plan n'eut pas plus d'effet tangible que son prédécesseur, le « Plan Composants » de 1967, arrivé avec un train de retard sur l'évolution de la technologie.

Et François Mitterrand ?

Une nouvelle tentative vit le jour en 1982, sous le premier septennat de François Mitterrand, avec le « Plan Puces », dont l'objectif était ambitieux : *rééquilibrer une balance commerciale déficitaire de 900 millions de francs en 1982 et reconquérir une certaine indépendance technologique vis-à-vis des groupes américains à l'horizon 1986*.

Inutile de vous préciser qu'au moment de compter les points cinq ans plus tard, Thomson, Bull et Goupil avaient été laminés par la lame de fond déclenchée par Apple, IBM et Microsoft… et ceci, malgré le « Plan Informatique pour Tous », doté d'un budget de 1,8 milliard de francs et favorisant largement l'industrie française… Précisons toutefois que dans les Thomson MO5 et TO7 retenus pour équiper nos écoles, on trouvait un processeur Motorola, un paquet de puces Texas Instrument en provenance du Portugal, de Grande-Bretagne et de Malaisie, et une implémentation du BASIC de Microsoft…

Au moment de la présentation du projet de loi de finance pour l'année 1981, la commission des Affaires économiques du Sénat remarquait que malgré la hausse de leur production, les entreprises françaises de circuits intégrés (Thomson-CSF, RTC, EFCIS, MHS et Eurotechnique) ne couvraient que 1,8% des besoins du marché mondial. Car pendant le mandat Giscard, l'informatique personnelle avait pris son envol et les besoins avaient explosé. Si la France était l'un des pays les plus enthousiastes en la matière, si l'État avait lancé en 1977 le projet Minitel qui aboutira en 1982, et si quelques groupes nationaux tentaient de se faire une place au soleil sur le marché des micro-ordinateurs, l'innovation était clairement du côté des États-Unis, et la production, dans les usines asiatiques.

À l'intérieur du TO7 français, pas beaucoup de technologies hexagonales… (Image : mapetitecollection)

Le 10 avril 1981, comme pour redorer son blason, le président publiait l'une de ses dernières tribunes, en pleine campagne électorale. Rappelant qu'il avait « toujours été convaincu que la maîtrise, par l'ensemble de la société française, de son avenir scientifique et technologique revêtait la plus grande importance », il égrenait les rapports commandés, les colloques organisés, et indiquait les trois points de repères qu'il estimait alors essentiels :

  • L'informatique est appelée à apporter de profondes transformations dans notre organisation économique et sociale : ce ne doit pas être une révolution subie, mais une évolution préparée.
  • La France, grâce à son potentiel scientifique et intellectuel a une vocation naturelle à développer l'invention, la production et l'usage de l'informatique. C'est une des orientations fondamentales de l'avenir de notre économie.
  • La France doit veiller particulièrement à prévoir, et, s'il le faut, à limiter certains des impacts de l'informatique sur la vie intime et profonde de la société. Nos valeurs fondamentales de liberté et d'humanisme doivent être ici réaffirmées et respectées.

Bien sûr, le monde a changé depuis 1981, mais les réflexions de l'ancien Président continuent de résonner avec une étrange actualité. Certaines, parce que de simples prédictions, elles sont devenues une réalité quotidienne. D'autres, parce qu'elles ont été démenties par le raz-de-marée d'une révolution qu'aucun État n'avait anticipée.

  • Oui, l'informatique affecte désormais toutes les activités économiques et sociales. Oui, l'informatique, les télécommunications, les automatismes industriels et l'audiovisuel sont aujourd'hui étroitement liés. Oui, les quelques milliers d'utilisateurs d'informatique en 1981 sont devenus des millions aujourd'hui.
  • Non, nous n'avons pas assisté à « la naissance des grandes structures industrielles dont la France a besoin pour participer avec succès à la compétition mondiale ». Non, le langage français ADA n'est pas devenu « le langage informatique universel pour les vingt prochaines années ». Mais oui, on a assisté à « la création d'une capacité française pour les fusées et les satellites », avec la naissance d'Arianespace en 1980.
  • Oui, la France a très tôt donné l'exemple en termes de protection de la société face aux outils informatiques. Oui, « aucun fichier de personnes ne peut être créé en France, sans le contrôle d'une commission éminente, et sans que la décision soit prise par un responsable nommément désigné », depuis la loi Informatique et Libertés de 1978 qui donne à chacun accès aux informations collectées à son sujet.

Et alors même que le taux d'informatisation des foyers français, des administrations et même des entreprises frisait encore le 0% au moment où il s'exprimait, le Président concluait ainsi son propos :

Nous sommes confrontés à la nécessité de libérer ces nouvelles forces de croissance, pour en faire aussi de nouvelles forces d'émancipation. Ce sont les questions-clés autour desquelles tourne déjà, et devra progresser ce grand débat de l'informatisation de la société.

avatar YetOneOtherGit | 

@hugome

Un de les ami sorti de Supelec et parti en Californie dans les années 80 dit : dans ma génération on avait de remarquables ingénieurs en France qui ne voulait pas comprendre le business, maintenant on a des produits d’écoles de commerce qui ne comprennent ni le business, ni la tech 😂

avatar oomu | 

@hugome

wow.. vous citez quasiment mon nouveau patron qui a remplacé le patron-fondateur...

avatar hugome | 

@oomu

Je jure que c’est pas moi.

avatar Steve Molle | 

Vullcaaaania, Vullllcaaaaaniiaaa

avatar oomu | 

@Steve Molle

:) ha vous voyez qu'on l'oubliera pas notre VGE...

avatar LudwigVonMises | 

Né sous l'ère Mitterrand, je réalise avec le recul qu'il fut certainement le meilleur président de la Vè république, à l'égal de Pompidou. Dommage qu'il n'ait ou briguer de second mandat.

avatar occam | 

@LudwigVonMises

« Dommage qu'il n'ait pu briguer de second mandat. »

Oh, il l’a bien brigué, il ne l’a juste pas gagné...

L’un des critères pour évaluer l’action d’un chef d’état d’un pays aussi centralisé que la France consiste à se demander quelles crises il sut résoudre ou éviter, quels problèmes et quelles évolutions anticiper, quelles transformations mettre en chantier afin que la nef qu’il pilotait tienne l’eau et maintienne le cap.

À cet égard, il me semble que les trois premiers présidents de la Ve s’en tirent somme toute mieux, sur le long cours, que leurs trois successeurs.

avatar BleuRooster | 

Aucun regret, aucune pensée, aucun hommage pour cette personne, qui à participé au démantèlement de la grande France! Qui coûte d’ailleurs un pignon de dingue!

Notre dernier VRAI précédent c’est De Gaulle avant c’est Napoléon Ier/III ! Le reste c’est des traite à la nation qui pense à leurs propres intérêts!

Les mecs s’autoproclame président de tout les Français avec 8Millions de voix au premier tour sur 67Millions de Français! Pareille pour la « vague Verte » vu le taux d’abstention 🤣

avatar MarcMame | 

N’empêche qu’on pouvait pirater Canal+ avec le Thomson TO7. C’était déjà pas mal !

avatar Mike Mac | 

Giscard qui a aussi fait virer Coluche d'Europe puis de RMC au bout de 40 jours d'antenne. Et audiovisuel public au garde à vous. Pas de candidat gênant à l'élection présidentielle de 1981 qui puisse être trop voyant au-delà des légitimes du système...

Dossier "Michel Colucci" instruit au ministère de l'intérieur. Avec surveillance 24h/24h par les RG de Paris. Lettres de menaces anonymes ou signées "Honneur de la Police"...

Une pression qui devient insupportable et qui le poussera à couper court à l'aventure.

Le sondage pour les présidentielles Ifop-Le Point réalisé du 26 décembre 1980 au 2 janvier 1981 donne : Valéry Giscard d'Estaing 32 % ; François Mitterrand 18 % ; Georges Marchais 14,5 % ; Coluche 11 % ; Jacques Chirac 8 % ; Michel Debré 7 % ; Brice Lalonde 3,5% (source WIkipedia).

Et même 16% pour Coluche dans un sondage publié par le Journal du dimanche.

Les "hommagistes" ont souvent des œillères qui les fait sombrer dans l'obséquiosité en trompe l'œil.

avatar YetOneOtherGit | 

@Mike Mac

Hormis le côté délirant des propos et des conclusions, c’est principalement Jacques Attali qui a contribué à rallier Coluche à la raison. 😎

avatar morpheusz63 | 

@YetOneOtherGit

Il faut prouver en quoi c'est délirant, je trouve son propos intéressant

avatar YetOneOtherGit | 

@morpheusz63

"Il faut prouver en quoi c'est délirant, je trouve son propos intéressant "

Sur des bases factuels réels il infére des conclusions ineptes violant la vérité historique, pratique courante de l’époque de post-vérité qui semble étrangement choqué personne et qui donne entre autre avanie l’immondice Trump.

On accumule quelques éléments à charge parcellaire et manichéen et l’on amène le lecteur à adhérer facilement à des conclusions absolument biaisé par une présentation malhonnête par construction.

🤢

avatar pagaupa | 

@Mike Mac

+1 👍
Les baveux nous serinent au 20h!

avatar Mike Mac | 

@YetOneOtherGit

Aucun délire mon cher ami à l'omniprésence dans ces fils de discussion et à l'omniscience infuse. Tu as décidemment beaucoup de temps à perdre. Bien plus que moi sûrement.

Le producteur de Coluche  - Paul Lederman  - a eu plus de poids pour sa sortie du jeu présidentiel qu'un Jacques Attali. 

Mes propos sont vérifiables et sourcés. Les amateurs de podcasts pourront chercher "Affaires sensibles "consacré à Coluche candidat à la présidentielle (France Inter) pour y retrouver certaines parties de mon propos. Et les autres sont sourcées ou facilement vérifiables.

Aujourd'hui, d'ailleurs, la mémoire de Coluche perdure avec ses Restos du coeur. Lesquels, avec les retombées négatives du Covid-19, vont tourner en surrégime tout cet hiver. 

avatar YetOneOtherGit | 

@Mike Mac

"Mes propos sont vérifiables et sourcés."

Aurais-je prétendu le contraire ?

Mais ce que tu fais dire à ces bribes de vérité est de l’ordre de l’ineptie, pratique courante de la malhonnêteté réthorique comme le sont tes tentatives d’Argumentum ad hominem pitoyables 🙄🤢

avatar YetOneOtherGit | 

@Mike Mac

« Le producteur de Coluche  - Paul Lederman  - a eu plus de poids pour sa sortie du jeu présidentiel qu'un Jacques Attali.  »

Lederman voyait effectivement tous les dégâts que pouvait faire la poursuite de ce middle finger de saltimbanques à l’économie de son poulain, mais le rôle du brillant Attali qui restera en suite un proche est absolument essentiel dans la prise de conscience de Coluche.

Pour le reste les sous-entendus fielleux qui articule ton propos sont de grand classique d’une idéologie mortifère et détestable 🤢🤮

avatar flafarge | 

Superbe article !!! Merci

avatar BordelInside | 

Chronique sur France Inter ce matin - même angle d'attaque, quasiment le même titre - France Inter se source sur MacG ? :-)
(et pourquoi pas)

avatar Vivid (non vérifié) | 

On a entendu l'argent des contribuables dire; ouf !

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