Exploitation frauduleuse de données sur Facebook : Mark Zuckerberg brise le silence

Mickaël Bazoge |

Depuis quelques jours, Facebook vit sans doute son moment le plus difficile. Dégringolade en Bourse, appels au boycott… la crise est profonde. Même l'un des créateurs de WhatsApp, Brian Acton, conseille de supprimer Facebook… alors que la messagerie instantanée a été acquise par le réseau social contre un gros chèque de 19 milliards de dollars.

L'affaire remonte à 2013, lorsqu'un chercheur de l'université de Cambridge, Aleksander Kogan, développe un quiz de personnalité s'appuyant sur les outils de connexion de Facebook. Cette application est installée par 300 000 personnes qui acceptent de partager leurs données privées avec cette app. Par ricochets, les données de leurs proches sont également siphonnées par le quiz.

L'année suivante, Facebook modifie la manière dont les données sont partagées et il faut désormais à ce genre d'application obtenir l'autorisation des amis des utilisateurs pour récupérer leurs informations. En 2015, la société d'analyse de données Cambridge Analytica met la main sur le trésor de données de l'application de Kogan — on a évoqué 50 millions de comptes dont les informations sont entre les mains de cette entreprise1. Elle les a exploitées pour le compte de l'équipe de campagne de Donald Trump…

Des organisations de financement de la campagne Trump utilisent alors les données achetées à Cambridge Analytica pour cibler les indécis sur Facebook, avec des publicités dénigrant la candidate démocrate Hillary Clinton. BuzzFeed en publie quelques unes, qui ne s'embarrassent pas de la vérité.

Dans un contexte politique particulièrement tendu outre-Atlantique, la nouvelle a fait l'effet d'une bombe. D'autant plus que Facebook était déjà sur la sellette depuis les dernières élections, le réseau social n'ayant pas été très regardant sur la diffusion de messages de propagande électorale provenant d'officines russes spécialisées dans la déstabilisation politique.

À cela s'est ajoutée la désastreuse communication de Facebook et de ses dirigeants, et notamment du premier d'entre eux : Mark Zuckerberg, qui s'est réfugié dans le silence depuis le déclenchement de l'affaire vendredi dernier. Le fondateur de Facebook a finalement pris la parole ce soir, au travers d'un billet qui retrace l'historique de la controverse.

Alexander Nix, l'ex-CEO de Cambridge Analytica. CC BY 2.0.

En 2015, Facebook exige de Kogan et de Cambridge Analytica la suppression de leurs serveurs des données acquises de manière indue. Les deux parties ont alors certifié que cela avait été fait… mais visiblement, ce n'était pas le cas puisque ces informations ont servi durant la campagne électorale en 2016. Cambridge Analytica, qui a viré son CEO Alexander Nix cette semaine, a accepté l'audit exigé par Facebook, mais plusieurs enquêtes judiciaires indépendantes ont débuté, aussi bien aux États-Unis qu'en Europe.

Mark Zuckerberg est donc monté au front, et on devrait le voir souvent sur les chaînes de télé (il sera par exemple interviewé aujourd'hui sur CNN). Il y déroulera sans doute les mesures que Facebook va mettre en place pour retisser la confiance avec les utilisateurs : l'accès aux données par les développeurs va se restreindre encore. Par exemple, ces derniers ne pourront plus piocher dans ces informations si l'app n'a pas été utilisée pendant trois mois.

Le réseau social va également réduire la voilure sur les données que les utilisateurs d'apps acceptent de partager : elles vont se limiter aux nom, photo du profil et adresse mail. Facebook va aussi placer bien en évidence un outil qui permettra de révoquer les permissions données aux applications.

Enfin, et en attendant d'autres annonces dans les prochains jours, l'entreprise va examiner les applications qui ont eu accès à beaucoup de données avant le changement de 2015. Un audit sera mené pour les apps présentant une activité frauduleuse ; celles-ci seront le cas échéant bannies et Facebook s'engage à informer les utilisateurs qui en ont été victimes.

« J'ai créé Facebook, et en bout de course, c'est moi le responsable de ce qui se passe sur notre plateforme », écrit Zuckerberg. « Je prends au sérieux tout ce que nous faisons pour protéger notre communauté ». Une contrition qui était devenue plus que nécessaire, mais qui arrive bien tard au vu de l'ampleur du scandale.


  1. Cambridge Analytica est une société proche de Steve Bannon, l'ancienne éminence grise de Trump. ↩︎

avatar Zirma | 

Facebook est peu légère dans ses actions, le vol de données aurait dû être mis en place publique afin de tuer dans l’œuf la crise, forcer les sociétés à supprimer toutes données tout en ayant, pour Facebook le beau rôle de défenseur des droits des utilisateurs. En jouant accord secret non contraignant, FB est fautif d’avoir voulu en premier protéger sa valeur en bourse...

Ne pas oublier que Cambridge Analytical a été prestataire du UKIP britannique. Sa première grande victoire est le vote du Brexit !
Beaucoup de fausses vérités, des personnes peu informées ou peu habituées à prendre du recul, votant principalement sur l’émotion.... Rien de nouveau en démocratie !

avatar mcgyver | 

Il est temps de se réveiller, sur internet notre seule valeur ou capital réside dans nos données personnelles ! Les donner gratuitement à FB, Google ou autres revient à les enrichir sans rien recevoir en retour. Même l'administration française (service des cartes grises automobiles par ex) revend nos données. Alors arrêtons, on a pas besoin de compte FB, Instagram ou Snapchat pour vivre !
Pendant ce temps, les gouvernements successifs réduisent le budget de la CNIL qui reste un modeste garde-fou et l'Europe répète tous les jours qu'il va falloir faire quelque chose sans jamais rien faire qui pourrait déplaire aux FB, Google,etc...Le plus bel exemple reste Moscovici qui découvre la fraude fiscale dans l'UE et va prendre des mesures: taxe à 3% applicable sans doute dans 10 ans qui rapportera 3 à 5 Milliards € pour lutter contre l'optimisation fiscale qui coute environ 1 000 Milliards par an à l'UE. Ces 1 000 M représentent à peu près égaux la somme des déficits budgétaires des pays de l'UE.
Il est temps de se réveiller !

avatar Glop0606 | 

Peut-être cette mise en lumière des dérives du big data donnera à faire réfléchire les adeptes du "J'ai rien à cacher"...? Les fondateurs de Google l'avait tout de suite préssentis et c'est pour cela que leur moto était "Don't be evil". J'ai bien dit "était"! ;)

avatar IRONMAN65 | 

Ah bon ? C’est pas Poutine et les hackers russes alors ?

avatar killabling | 

Boffff et donc...!!!!

avatar Pipes Chapman | 

il ya aussi l'hypothèse de faire un usage intelligent de FaceBook , tous les limiteurs au maximum, ne pas balancer sa vie ... trouver un équilibre, parce que ça reste un fantastique outil de commucation.

but wait ! c'est une vision des choses qui n'est pas complétement dichotomique, zut alors !

avatar webHAL1 | 

@Pipes Chapman :
« il y a aussi l'hypothèse de faire un usage intelligent de FaceBook , tous les limiteurs au maximum, ne pas balancer sa vie ... trouver un équilibre, parce que ça reste un fantastique outil de communication. »

Tout à fait d'accord. Tout comme on ne va pas raconter directement toute sa vie lors d'une soirée avec des dizaines de personnes qu'on ne connaît pas, il me semble logique de ne pas trop en dévoiler sur les réseaux sociaux. En gardant à l'esprit le principe simple que tout ce qu'on partage sera potentiellement accessible à n'importe qui, y compris des personnes qui ne nous veulent pas forcément du bien, notre entourage professionnel actuel ou futur, etc.
Quant à nourrir le système avec de fausses informations, ça me paraît être une très mauvaise idée. Comment réagiraient certaines personnes, par exemple un futur employeur, en apprenant que "non non, sur Facebook je ne suis pas honnête, je raconte n'importe quoi ! Mais vous pouvez me faire confiance, je suis quelqu'un d'équilibré et de fiable, hein !". Quant à le faire sous un faux nom, quel intérêt ?

avatar macbook60 | 

@Pipes Chapman

Effectivement, Facebook marketplace est un outils intéressant par exemple....

avatar hogs | 

à la lecture des commentaires, je pense qu'on s'arrête à la façade en oubliant le fond de l'histoire.

L'utiisateur lambda n'imagine pas qu'il puisse être manipulé à "l'insu de son plein gré" en utilisant FB. La réaction courante étant "je n'ai rien à cacher" de mes relations, loisirs envies, etc. En tant que tel, cet utilisateur à raison, à part la sphère relationnel de la personne (et encore), le monde en a rien à faire de ce qu'il publie. Là où le bas blesse, c'est que par recoupement, par analyse, etc il devient de plus en plus possible d'entrer dans la tête d'une personne, d'y rechercher les éléments déclencheur d'une adhésion ou d'un rejet d'une idée et d'en influencer le processus de décision. A terme, cet utilisateur croit avoir son libre arbitre sauf qu'il a été conditionné au préalable. Son choix n'est plus le sien.

"Avant", il fallait un investissement important d'efforts pour influencer le public. Le rendement des méthodes employées était faible au regard des coûts. Les moyens étaient - disons le - grossier et reconnaissables de loin. Avec le big data, il est possible de cibler avec une précision inégalée et individualisée ses cibles, de manière furtive et invisible.

Ce n'est pas le service rendu par FB qu'il faut "casser", c'est la construction du big data qu'il faut structurellement rendre impossible pour en éviter les dérives que l'on a vu récemment.

avatar klouk1 | 

@hogs

à part la sphère relationnel de la personne (et encore), le monde en a rien à faire de ce qu'il publie.

?? Ah bon. Il est de notoriété publique que d'éventuels employeurs, prennent la peine de consulter les profils de postulants...

avatar Oncle Sophocle | 

Bonjour à tous,
Je n'ai pas de compte (ou profil etc...) chez FB. J'ai donné mon adresse mail à le société de transports publics de la ville où j'habite, et j'ai eu la surprise de recevoir un mail de FB m'annonçant l'ouverture de mon compte auprès de ladite société. Cherchez l'erreur...
Cela dit, comment M. Zuckerberg, la montagne de sucre, va-t'il s'en sortir après quelques autres tempêtes comme celle-ci ?

avatar rua negundo | 

@Oncle Sophocle

Une ville de quel pays ?
As-tu vérifié minutieusement qu'il s'agit bien d'un mail émanant de la société Facebook elle-même et qu'il ne s'agit pas d'une imitation ?

avatar Oncle Sophocle | 

@rua negundo

J'habite en France.
J'ai jeté le mail directement dans la poubelle, mais j'ai pris le temps de vérifier sur l'en-tête, et même sur le fichier source, que cela venait bien de FB.

avatar jbploenchit | 

Je n’ai jamais eu Facebook, ni un autre réseau ! La vie est belle !

avatar Dwigt | 

Pour Cambridge Analytica, plus que Steve Bannon, la personne à suivre est le milliardaire Robert Mercer, avec sa fille Rebecca, qui est un gros investisseur dans cette boîte. Bannon est la vitrine publique, mais le type qui tire les ficelles en coulisses et qui impose ses directions, c’est Mercer, aussi influent que les frères Koch ou Rupert Murdoch.

avatar Espcustom | 

Fallait s’y attendre qd on aime jouer, faut aussi considérer que l’on peut perdre.

On est tous responsables des infos que l’on met sur la toile et à qui on autorise leur accès. L’ignorance et l’incrédulité en a toujours fait profiter d’autres.

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