Amazon lance ses filets sur les annonceurs de YouTube

Tsunamida |

Le spécialiste de la vente en ligne s’apprête à venir piétiner les plates-bandes de la filiale de Google, YouTube, en cherchant à capter ses annonceurs. Contrairement à Google, Amazon ne se contente pas de savoir ce que ses 237 millions de clients actifs recherchent, il sait également ce qu’ils ont déjà acheté. Cet historique de leur shopping lui permet de deviner et d’anticiper les prochaines dépenses. Le géant du commerce en ligne désire rentabiliser les zillion-octets de données sur ses clients en sa possession. Et le secteur prêt à payer cher pour ce genre d’informations précises, et donc aisément exploitables est bien sûr celui de la publicité.

Après des mois de préparation, Amazon vient de passer un peu plus clairement à l’offensive en convainquant l’un des plus gros annonceurs américains d’afficher des publicités sur des vidéos produites par le géant du commerce en ligne.

Les données dont dispose Amazon sont beaucoup plus complètes et profondes que celles de Google. Elles permettent de prévoir tendances et évolutions aussi bien de la consommation en général que plus précisément, pour chacun de ses clients. Si l’un d’entre eux se met à acheter des couches pour nourrissons et des vêtements pour bébé, c’est probablement qu’un heureux événement est arrivé dans ce foyer. Amazon se rendra compte que le stock de couches est renouvelé en moyenne toutes les 3 semaines, et donc à quel moment afficher des publicités pour ce genre de denrées la prochaine fois que les parents visiteront le site.

Le numéro un de la vente en ligne pourra aussi calculer le moment où le bébé devrait être en âge de se mettre à consommer des aliments solides, et donc afficher à ce moment des pubs pour ce genre d’aliments. Sachant la date approximative de la naissance de l’enfant, Amazon pourra afficher des publicités de jouets tous les ans, au moment de l’anniversaire estimé du bambin du foyer…

Les informations concernant les cartes de crédit de ses clients étant déjà enregistrées dans leur compte Amazon, l’achat de produits est rapide et facile, car il n’y a pas même à quitter le site Amazon ou à mettre la main sur sa carte bancaire pour faire des emplettes. Les clients d’Amazon (ou de sociétés, comme Apple, qui ont acquis une licence de « 1-Click purchase » auprès d’Amazon) ont ainsi tendance à céder plus facilement aux achats d’impulsion, décidés sur un coup de tête.

Amazon ne fait cependant pas ses premiers pas dans la publicité. La société est actuellement le 7e plus important vendeur de publicité en ligne, selon eMarketer. Ses revenus provenant de la publicité numérique sont estimés à plus de sept cents millions de dollars, soit une augmentation de 33 % par rapport à l’année dernière. Cette année, ils devraient être supérieurs à ceux de Twitter, Pandora et LinkedIn avec plus d’un milliard de dollars de revenus provenant de la vente de publicités en ligne.

Mais contrairement à la politique du « tapis de bombes » utilisée pour les ventes en ligne de livre ou de biens de consommation (généralisation de prix de vente tellement bas qu’ils sont parfois accusés de ventes à perte par leurs concurrents), l’approche d’Amazon en matière de publicité est plus prudente. Le géant est conscient que partager avec les publicitaires trop de données sur ses clients lui aliénerait ses derniers. En ce domaine, la perte de confiance pourrait mettre à mal les efforts déployés depuis une vingtaine d’années pour devenir le roi du commerce en ligne. Avec 70 milliards de dollars de chiffres d’affaires générés l’année dernière, les ventes commerce en ligne représentent pour Amazon des revenus 70 fois supérieurs à ceux de son activité publicitaire.

Plutôt que donner des informations précises et personnelles sur ses abonnés, Amazon fournit aux régies des chiffres, rangés en catégories (mères de famille, Otaku/Geeks passionnés de nouvelles technologies, amateurs de voyages…). Amazon donne la possibilité aux agences de pubs de cibler telle ou telle catégorie de personnes en les prévenant lorsque ces clients sont proches de réaliser un achat, ceci en se basant sur leurs historiques, sur les recherches qu’ils ont effectuées ces derniers temps ou sur leurs dépenses récentes.

Amazon compte faire passer la pilule plus facilement à sa clientèle en affichant des publicités qui tombent à pic, au moment où elle en a besoin : à proximité d’un anniversaire, d’une naissance, lorsque quelqu’un semble préparer un départ en voyage ou commencer une nouvelle activité… Ses clients ne seront non seulement pas mécontents de se voir proposer biens et services correspondants à leurs préoccupations du moment, mais même heureux de cette intrusion de la pub dans leur espace personnel, car elle répondra à un besoin précis et réel. C'est du moins le scénario idéal.

À cet effet, Amazon multiplie les préparatifs pour son offensive contre YouTube depuis un moment. L’objectif n’est pas de concurrencer l’activité de diffuseur de vidéos de chatons dansant le Gangnam Style de YouTube… Mais Amazon souhaite rentabiliser sa base de données clients grâce à des revenus publicitaires provenant de vidéos originales produites pour devenir des succès à la mode, comme le sont certaines séries télé américaines récentes (Game of Thrones, House of Cards, Grey's Anatomy, Mentalist…).

La création de l’Amazon Studios [http://studios.amazon.com] a permis au roi du commerce en ligne de mettre en place une structure pour créer à coup de millions de dollars les succès de demain.

Les genres sont variés : comédies, programmes pour enfants, séries populaires… Destinées à être diffusées exclusivement en VoD sur son site Amazon Prime Instant Video sur internet, elles ont pour mission de générer de forts revenus publicitaires grâce à leur engouement auprès du public.

Celui-ci est d’ailleurs mis à contribution : Amazon sollicite avis et critiques sur les bandes-annonces des futures séries qu’il présente sur son site. Seules celles qui ont reçu un accueil suffisamment chaleureux du public seront menées à terme. L’année dernière, sur 14 pilotes présentés au public, seules 2 séries avaient trouvé grâce à leurs yeux.

Le concept est proche de celui de Netflix, qui développe ses propres séries avec d’importants moyens pour être moins dépendant des studios et producteurs traditionnels de contenus vidéo. Cette année, 10 pilotes de séries TV étaient en compétition et 6 ont reçus le soutient des internautes : The After, une série de science-fiction que l’on doit au papa des X-Files, C. Carter, Bosch, une adaptation des romans policiers de Michael Connelly, Mozart in the Jungle de R. Coppola…

A chaque fois qu’un internaute regarde l’un des trailers d’Amazon Studios, il tombe sur une publicité de Geico, la compagnie d’assurances automobile n°2 aux USA et l’un des principaux acheteurs d’espaces publicitaires. Amazon a réussi donc à convaincre de gros annonceurs alors que son offre de séries vidéo originales en est encore à ses débuts.

Les publicités n’apparaissent que lorsque l’on regarde un des pilotes des futures séries, accessibles à tout le monde. Il s’agit de pubs génériques, qui ne sont absolument pas ciblées. Le service VoD d’Amazon, Prime Instant, payant quant à lui, est libre de publicités.

Parallèlement à cette politique de développement de séries vidéo originales de qualité, Amazon augmente la présence de vidéos publicitaires sur son site de commerce en ligne. En février, la société a passé un accord avec FreeWheel par exemple, qui insère des publicités commerciales avant les bandes-annonces de nouveaux jeux vidéo. D’autres expériences ont lieu comme le placement de pubs sur l’écran de veille du Kindle Fire.

Une autre solution à l’étude chez Amazon serait de contacter les diffuseurs de contenus les plus populaires de YouTube pour tenter de les faire passer avec armes et bagages du côté d’Amazon. L’année dernière, le géant du commerce en ligne a tenté quelques expériences dans ce domaine. Mais l’offensive de ce côté-là devrait se généraliser cette année.

L’accord entre 2 poids lourds du secteur, Amazon et Geico, signifie pour Google/YouTube que le temps des vaches grasses est terminé. Jusqu’à présent, YouTube fixait ses tarifs sans se préoccuper de quiconque : il n’y avait pas de réel concurrent sur le marché. Désormais, il va lui falloir apprendre à vivre avec un concurrent, qui en attendant d’avoir une masse critique, risque de proposer des tarifs moins chers que les offres de la régie de YouTube.

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avatar iSc0tty | 

J'ai appris le mot zillion merci ! :D

avatar macbookintel | 

D'un côté c'est bien que G ait une concurrence sérieuse et de l'autre si les prix de la pub baissent il y aura encore plus de pub et mes vidéos me rapporteront moins.

avatar Ast2001 | 

Un paramètre à ne pas oublier. Pour tous les utilisateurs Amazon via un compte GMail, Google sais tout. Dans mon cas, je reçois sur Google Now les avis d'expédition etc...

Donc Amazon n'est pas forcément seul à savoir ce qui est commandé chez amazon...

avatar sedition | 

Merci pour cet article. Tres complet sur l'évolution d'Amazon :)

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