Demain, Siri partout ?

Arnaud de la Grandière |


On parle depuis quelque temps d'interfaces « naturelles », que l'iPhone 4S met pour la première fois en pratique de plain-pied avec l'avènement de Siri.

Cette approche consiste à interagir avec nos machines de la même façon que nous le faisons avec les objets du quotidien, de manière tactile, et instaure la communication naturelle des humains : la parole. Si Steve Jobs avait dit tout le mal qu'il pensait des écrans tactiles sur ordinateur, rien ne s'oppose à ce que Siri soit proposé sur tous les produits d'Apple à l'avenir.

La commande vocale est à vrai dire un vieux rêve, dont une version très préliminaire existe au cœur du Mac depuis 1993. Mais cette approche, telle qu'on la retrouve d'ailleurs dans Android, n'a rien de naturel, puisqu'elle se limite à un jeu de commandes précises : il faut prononcer les bons mots-clefs, dans le bon ordre, pour obtenir le résultat voulu. C'est une interface implicite par excellence, car elle exige de l'utilisateur de mémoriser un lexique précis, à l'image de la ligne de commande. En somme, cela nous ramène à MS-DOS, le clavier en moins. (lire Siri : le téléphone empreinte une nouvelle voix).

Capture%20d%E2%80%99e%CC%81cran%202011-10-28%20a%CC%80%2010.18.50Et de fait, passées les quelques minutes de distraction avec la commande vocale de Mac OS X, nul ne l'utilise au quotidien, hormis les personnes atteintes de handicaps qui n'ont d'autre recours, tant son utilisation est fastidieuse : s'il est question de passer plus de temps à naviguer à la souris dans la fenêtre des « commandes parlées » pour retrouver la syntaxe d'une commande qu'à utiliser le Mac à la voix, à quoi bon ?

Siri va bien au-delà : la seule reconnaissance vocale est dévolue à la technologie de Nuance, dont Apple a obtenu une licence. À cela s'ajoute une interprétation du sens même de la phrase, puisque Siri est capable de comprendre les requêtes sans limite de syntaxe ni de vocabulaire. Il reste cependant une limite, appelée à s'étendre à l'avenir, sur les requêtes que Siri est capable de gérer. C'est là où Siri reste encore implicite, puisqu'au lieu de mémoriser un jeu de commandes précises, il s'agit cette fois de savoir ce sur quoi peuvent porter les requêtes ou non, quelle que soit leur formulation. Gageons cependant que son terrain d'application tendra à se développer de plus en plus, jusqu'à, un jour, répondre à nos moindres lubies.

Mais Siri ne se limite ni à la reconnaissance vocale, ni aux commandes en langages clairs, puisqu'un troisième élément vient compléter le tableau : un véritable dialogue s'instaure avec la machine, qui demande des précisions ou des compléments d'information le cas échéant.

Le Mac a montré son aptitude à parler, et ce le jour même de sa mythique présentation par Steve Jobs. MacinTalk existe en effet depuis le tout début du Mac, mais ça n'est qu'à partir du Système 6.0.2 que ses API furent pleinement ouvertes et supportées par Apple. Pour la petite histoire, MacinTalk est mentionné au générique du film Wall-E de Pixar, l'autre société de Steve Jobs. En effet, dans la version américaine c'est MacinTalk qui donnait une de ses voix « fantaisie » à Auto, l'autopilote du vaisseau Axiom.



Avec OS X Lion, Apple a enfin doté le Mac de voix francophones, une fonction dont l'iPod bénéficiait pourtant dès 2009. VoiceOver, une technologie ajoutée à Mac OS X il y a six ans, est enfin accessible aux utilisateurs de France et d'ailleurs. Mais ironie du sort, la commande vocale se fait toujours en anglais sur Mac, amenant des répliques assez surprenantes, puisqu'il faut demander à son Mac « What time is it? » pour s'entendre répondre « dix-neuf heures trente », quand ça n'est pas tout simplement des messages en anglais qui sont rendus totalement incompréhensibles par les voix françaises.

Preuve s'il en est que la commande vocale sur Mac mériterait bien un petit dépoussiérage, on trouve toujours parmi les phrases clés un « open Sherlock » qui ne donne plus rien sur Mac OS X 10.7. On verrait d'un assez bon œil que Siri remplace purement et simplement ces commandes vieillissantes, d'autant que la technologie pourrait rendre de nouveaux services sur ordinateur.

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Mais le Mac n'est pas la seule destination envisageable pour Siri : elle trouverait une place de choix dans l'Apple TV, voire la télévision sur laquelle Apple travaille. Adieu la navigation à la télécommande ! Mais cela pose tout de même quelques questions : sur iOS, Siri ne vous écoute que lorsque vous l'invoquez spécifiquement, soit en maintenant appuyé le bouton d'accueil, soit en portant l'iPhone 4S à votre oreille. Cependant, OS X permet d'ores et déjà de déterminer un contexte de commande grâce à un mot-clef (par défaut « computer »), qu'il suffit de prononcer devant une commande, ce qui évite de chercher à exécuter vos moindres paroles, une idée qui a inspiré ce passage à la série 30 Rock.



Mais ça n'est pas le seul problème, puisque par définition une télévision émet du son, qui peut brouiller l'écoute de Siri. Qu'à cela ne tienne, Siri est à même de déjà connaître la forme d'onde du son émis par la télévision, et donc de la soustraire aux sons récoltés par le micro. À noter que le Mac ne semble pas avoir été doté d'une telle précaution, puisque la lecture d'un son rendra la commande vocale incapable de vous comprendre.

Il reste cependant quelques réglages qui seront plus délicats à paramétrer aussi précisément à la voix qu'à la télécommande, comme le volume sonore ou la luminosité de l'image. Sans doute y verra-t-on un moindre mal en regard des avantages indiscutables qu'il y aurait à piloter sa télévision à la voix. Voilà qui promet de drôles de résultats durant les démonstrations dans les bruyants Apple Store…
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#siri
avatar béber1 | 
"...et un iCloud local irait totalement à l'encontre de la logique actuelle de son modèle business." non en fait, un iCloud en local pourrait très bien s'articuler avec celui sur les serveurs d'Apple. Mais bon cela reste de la cuisine où il reste à trouver la bonne recette qui plai$e à tout le monde
avatar Almux | 
Effectivement. Mais la tendance à la dépendance (quelle qu'elle soit) semble être une tendance humaine qui va se renforçant depuis des millénaires... Et, même si actuellement nous ne sommes qu'aux balbutiements de notre dépendance à la technologie, tout porte à croire qu'Apple en a très bien compris les mécanismes et que les "progrès" dans ce sens vont être fulgurants, dans le courant de ces prochaines années... Si la présente civilisation tient debout assez longtemps...
avatar pepes003 | 
Le serveur maison n'était pas d'actu sous l'ère Jobs. Il y a rien qu'à voir le sort de l'Apple TV qui a perdu son HDD au profit de la VOD et service web. Le meilleur des mondes était : - un/plusieurs MAC connecté(s) H24 pour diffusion iTunes et achat contenu iTunes/App Store - une Apple TV pour consommer Apple et également visionner sur sa TV le contenu du MAC - un iPad pour la famille qui accède au contenu du MAC et du contenu iTunes/App Store - un/des iPhone(s) pour utilisation personnel >> Le tout, bien fermé ! bien verrouillé ! (pas de DLNA, ne pas se passer d'iTunes, etc...) Après, quel hard Apple à dans les cartons pour révolutionner un nouveau secteur... Surement pas le NAS comme énoncé ci-dessus => Apple n'a pas investi dans l'iCloud pour recentraliser tout le contenu personnel at home. La iTV ? oui c'est une bonne hypothèse. Notamment avec une télécommande incluant un micro pour utilisation Siri + webcam pour démocratiser Facetime entre autre. Couplé avec un iPad, les possibilités seraient énormes. 2 gammes de TV pourraient pop : une orienté home cinéma (salon en taille 46" par ex.) et une plus modeste (27")pour les chambres par ex. et remplaceraient également au passage l'Apple Display qui évolue plus... Au vue de la bio de S. Jobs, apparemment il était un fana de belles voitures. (passion venant de son père, etc...) Je vois bien quelque chose développé afin d'investir ce lieu qui fait parti de notre quotidien et qui est vierge de concurrence multimédia à l'heure actuelle.
avatar béber1 | 
mmm, tendance la dépendance, je ne dirais pas comme toi. O va eviter un débat philisophico/anthropologico/machinchose... mais ce que je remarque de la "modernité" (depuis surtout le XVIIIe siècle et les Lumières, avec toute la reflexion sur des sociétés et les équilibes des pouvoirs pour laisser plus d'expression et de liberté aux individus, la notion de citoyen,, et blablaaa...) c'est qu'elle s'articule sur une double tension: à la fois il y a un désir inhérent des êtres humains à ce qu'on s'occupe d'eux, surtout dans le sens où on organise tout pour eux pour leur sécurité et leur bien-êtres égoistes naturels, etc... et à la fois, il y a un désir fondamental de liberté qui a poussé, encouragé par les augmentations des niveaux de vie et de confort, par l'accumulation des biens de la bagnole, de la TV et des super-marches, etc... jusqu'à un individualisme plombé par ce qu'appelle Souchon l'"ultra-moderne Solitude". :-)) En fait on sait tous qu'il n'y a pas de réelles indépendance et donc de vraie liberté, surtout avec toutes les mannœuvres et sophistications de la pub et des diverses coms, hormis peut-être pour les ermites saint-fous loin et dénués de tout. Mais ce n'est pas pour autant qu'il n'y a pas de désir d'être et de pouvoir rester libre, libre de ses mouvements, de sa parole, de ses choix (comme on peut le voir dans les pays arabes ou das d'autres parties du monde.), etc.. même avec des formes de compromis "acceptables" dans la mesure où qu'ils auront été "librement" consentis à partir de réflexions collectives et individuelles
avatar béber1 | 
oups, posté trop tôt. Bref, ce que je voulais dire, c'est que des sociétés peuvent utiliser la paresse ou l'inertie naturelles des gens pour leur proposer des services qui les déchargent d'un certain nombres d'actes et d'opérations supplémentaires, ce qui les aliènerait peu à peu en les rendant dépendants à ceux-ci mais on peut remarquer qu'il y a aussi un désir simplement "pratique" à cela, dans l'acceptation de ces services. Autrement dit, ceux-ci conviennent dès lors qu'ils correspondent à un compromis acceptable, et tant que leur gain et le confort qu'ils apportent au quotitdien des individus restent supérieurs à leurs niveaux de dépendances. On l'a vu, il n'y a pas de marques ou de produits qui soient éternels, on a vu des marchés péricliter ou changer de main. Si les individus aiment bien dans leurs ensemble qu'on les bordent, c'est pas pour autant qu'ils te laissent entrer dans leur lit, en te renvoyant des fois par la fenêtres. Les études marketing diverses essaient de trouver des formules pour rendre plus ou moins les clients captifs, mais aucune n'a trouvé à ce jour de formule magique ou définitive. Je pense , même avec des moyens de + en + sophistiqués à l'avenir, qu'il y en aura jamais, et c'est heureux.
avatar Almux | 
Pour la dépendance: simple constat de société... Pour le reste: Apple a déjà prévu de pouvoir contrôler sa cuisine... Donc, pour les voitures (à l'instar du parcage par son iPhone, comme c'est en train de se faire en proto) ça se fera aussi.
avatar lmouillart | 
@Almux sur les voitures, les recherches actuelles de conduite automatique sont beaucoup plus avancés et prometeuses (Google Prius).
avatar béber1 | 
Almux, on peut parier qu'Apple ne sera pas la seule société à investir le domaine. Et on peut même parier qu'elle ne sera pas majoritaire, vu ce qui s'est toujours passé chez elle et dans sa pratique commerciale particulariste. On voit bien ce qui se passe entre iOS et Android. Par contre, on peut constater qu'Apple a un rôle de catalyseur et de déclencheur, et qu'il suffit qu'elle se lance dans un domaine pour que celui-ci prenne un réel essor, alors qu'il vivotait. Et là, si elle investit le salon avec un SIRI de plus en plus performant, c'est sûr que comme pour le tactile, les commandes vocales vont se multiplier de partout
avatar MathMitch | 
Hé ben, on va pas avoir l'air con à parler à tous nos appareils ^^
avatar béber1 | 
Si c'est pour te servir ta bière favorite à la bonne température, je vois pas non
avatar Almux | 
@MathMitch Il y a vingt ans, voir des gens parler tous seuls, en pleine rue, sous prétexte d'avoir un "téléphone portable" (chose totalement incongrue!) semblait encore totalement débile! D'ici dix ans, il sera tout à fait "naturel" de parler à sa cuisine, ou de mener une conversation soutenue et vivace avec son salon!
avatar Malcolmm | 
" Cette approche consiste à interagir avec nos machines de la même façon que nous le faisons avec les objets du quotidien, de manière tactile, et instaure la communication naturelle des humains : la parole." C'est vrai , j'avais oublié que je parlais habituellement aux objets , merci MacGé de me le rappeler :)
avatar drkiriko | 
Plus personne ne va me lire, vu la date, mais ma réaction à Siri: demande:“quelle heure est-il?” réponse “il est xx h 31” Pour en avoir le cœur net: demande:“quelle heure est-il à Paris?„ et même réponse:“ xx h 31” OK sauf que chaque fois c'était “trente et UN” ne pourrait-on pas faire corriger ça par APPLE?

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