Epic contre Apple : la juge pas convaincue par les explications de Tim Cook

Mickaël Bazoge |

C'est l'audition la plus attendue du procès entre Epic et Apple qui nous occupe depuis trois semaines. Tim Cook est passé au grill des questions des avocats de l'éditeur, et aussi de la juge Yvonne Gonzalez Rogers qui a pointé du doigt quelques bizarreries dans les pratiques d'Apple.

La juge a pris les choses en main durant la déposition de Tim Cook, en lui posant directement les questions qui fâchent. Une des problématiques qui a traversé l'ensemble des débats concerne la question du choix : Apple s'enorgueillit de donner plus de contrôle aux utilisateurs, alors pourquoi ne pas leur donner aussi plus de choix pour acheter du contenu, s'interroge Yvonne Gonzalez Rogers.

Tim Cook à Bruxelles en 2018. Photo : DR.

Tim Cook a embrayé sur la réponse classique du constructeur : les utilisateurs peuvent toujours choisir un smartphone Android plutôt qu'un iPhone. L'achat d'un iPhone s'accompagne de l'acceptation d'un « certain nombre de principes », assure-t-il encore. « Quand quelqu'un achète un iPhone, il achète quelque chose qui fonctionne », a-t-il expliqué en préambule de sa déposition pour justifier l'absence de boutiques alternatives.

Mais pour ceux qui veulent acheter des V-Bucks, la monnaie de Fortnite, ou tout autre contenu, quel est donc le problème pour Apple de leur indiquer où ils peuvent acquérir ces contenus, ou à tout le moins leur dire qu'ils ont le choix, demande la juge.

Tim Cook estime que l'affichage d'un lien externe, depuis une application vers une boutique en ligne sur le web par exemple, ne ferait que réduire la rentabilité de l'iPhone. Celle-là même qui permet à Apple de développer des outils pour les développeurs, gérer l'App Store et la distribution des applications, etc. Le patron d'Apple explique néanmoins que les développeurs ont toujours la possibilité de communiquer autour de leurs propres boutiques, mais… pas dans leurs applications.

Yvonne Gonzalez Rogers s'est également étonnée de voir que les jeux, qui représentent une part très importante de l'App Store, subventionnent la majorité des applications gratuites. Les joueurs paient pour les apps bancaires, relève-t-elle, il suffit à Wells Fargo ou à toute autre banque de payer 99 $ par an pour bénéficier de l'ensemble des services de l'App Store.

Pour Tim Cook, « c'est un choix », même s'il existe d'autres modèles économiques, admet-il, mais « c'est la meilleure solution » selon lui. La juge a répliqué que cela lui paraissait disproportionné. Autre pique sérieuse, Yvonne Gonzalez Rogers interroge la motivation d'Apple quant au programme qui permet aux développeurs de profiter d'une commission de 15%.

Selon elle, ce changement n'a pas été décidé en raison de la concurrence, mais uniquement parce qu'Apple a senti la pression des régulateurs. Tim Cook a répondu que ce programme avait été mis en place en raison de la pandémie, « mais j'avais aussi les enquêtes en tête ». Avant lui, Phil Schiller avait également admis que cette décision avait été, pour une partie en tout cas, encouragée par les pressions récentes sur Apple. Il n'empêche : ce n'est pas la concurrence qui pousse Apple à accommoder les développeurs, martèle la juge.

Autrement dit : Apple n'est pas poussée par la concurrence à améliorer la situation des développeurs. Quand Steam baisse ses prix par exemple, l'App Store ne ressent aucun besoin de se mettre à niveau et pour cause, Steam ne peut pas être sur l'App Store. Yvonne Gonzalez Rogers s'étonne aussi qu'Apple ne procède pas à des enquêtes pour connaitre la satisfaction des développeurs, ce qui permettrait au constructeur d'améliorer les points problématiques.

Le procès touche à sa fin, ce devrait être le cas lundi prochain. Ensuite, ce sera au tour de la juge de rendre sa décision… dans quelques jours, voire quelques semaines (elle s'est tout de même avancée sur une date : avant le 13 août). Cette histoire est loin d'être terminée puisqu'il y aura très certainement des appels.

Mise à jour 24/05 — Arf, la date du 13 août était une blague de la part de la juge (c'est le 13 août dernier que Fortnite a modifié le système de paiement dans Fortnite sur iOS). Du coup, on ignore quand un jugement sera rendu.

avatar YetOneOtherGit | 

@webHAL1

"mais les inconditionnels d'Apple, dans leur adoration aveugle"

Argument facile.

Si Apple devait lâcher du lest sur ces questions ce ne serait en rien un drame pour elle.

La stratégie et la tactique des majors dont EPIC est absolument respectable.

Il n’y a pas de bons et de méchants dans cette histoire: juste des intérêts business qui s’opposent.

Les arguments des partisans d’Apple sont effectivement tout aussi à côté de la plaque que ceux des partisans d’EPIC.

Par contre les bénéfices réels que défendent ceux qui veulent voir EPIC l’emporter relève du fantasme ou d’une tentative de rationalisation du réel moteur de leur position qui peut se résumer souvent à un : “Apple doit finir par payer ses succès bâti sur des visions et des choix à l’opposé de mes désirs personnels”

Mon désir personnel est que l’existaient d’un écosystème contrôlé perdure car cela correspond à mon choix d’abandonner une part de mon libre arbitre à un tiers sur mes usages mobiles par confort.

Cela ne m’empêche nullement de trouver la stratégie et les ambitions d’EPIC remarquable et très intéressant.

S’ils l’emportent ce ne serait pas un drame et je m’adapterais.

Mais il faut voir que l’enjeu n’est ni l’intérêt du consommateur ni celui des petits acteurs mais simplement les perspective de croissance d’EPIC et de quelques majors de l’industrie.

Il faut prendre de la hauteur et oublier ses désirs ou ses dogmes politiques personnels pour se confronter à ce type de très intéressante bataille business.

avatar Appleseed | 

@Brice21
"Parce qu’il est injuste qu’un développeur A subsidie un développeur B. Hors il est question ici de justice et Epic reproche à Apple (et à Google) que la commission de 30% (puis 15% la seconde annee) ou 15% si le développeur a moins d’un million de revenu, est trop élevée. "

Injuste ? ...
C’est de commerce dont il est question ici pas de justice au sens ou vous semblez l'entendre.
Le commerce c'est une question de partenariat et de contrat.
Un partenariat ça se négocie, s'accepte ou se refuse.
Un contrat ça se lit, se négocie, s'accepte ou se refuse.

Vous me rappelez ces personnes qui un jour se rendent compte qu'elles n'ont pas le même salaire que certains de leurs collègues qui font le même boulot et qui se pose la question de savoir pourquoi ?
La réponse: négociation au moment de l'embauche !
Si l'employeur ne veut pas négocier et que vous voulez le salaire que vous estimez valoir ?
Vous allez voir ailleurs afin de trouver un employeur qui réponde à vos prétentions salariales.

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"Donc je conclu qu’il serait JUSTE de faire contribuer TOUS les développeurs en fonction du succès de leur app, que l’on peut mesurer facilement en downloads. Pour le tarif par download j’immuniserais les développeurs qui font moins d’un million de dollars. Mais les autres je les fait payer par download (ou par megabyte). S’ils ne sont pas content, ils peuvent ne publier d’app que pour Android. Mais mon petit doigt me dit qu’il voudront toujours exploiter la clientèle fortunée d’Apple et paieront. "

Et Apple conclut qu'il est plus juste et équitable que tout le monde paye le même montant pour l'accès à l'Apple store.
Et donc ?
Vous croyez avoir plus de légitimité sur le sujet que le créateur de l'OS et du store y étant attaché pour y faire fonctionner des applis tiers ?
Comme vous le dites, si ils (les développeurs) ne sont pas content, ils peuvent ne publier d’app que pour Android.
Ou alors ils peuvent passer par les webapp qui ne passe pas par les fourches caudines d'Apple.

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"Avec des revenus juste des app gratuites, Apple réduira sa commission de 30% et 15% et … justice sera rendue."

Pour qui ?
Selon le point de vu de qui ?

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"A 12% de commission, le store d’Epic perds des centaines de millions de $ (et il est très loin du volume d’Apple). A 15% et 30% Apple est peut être (ce n’est pas encore démontré) bénéficiaire sur son store. Il doit y avoir un chiffre juste entre les deux."

A Epic de correctement gérer son business, et manifestement ils s'en sorte pas trop mal:

https://kulturegeek.fr/news-224625/fortnite-engrange-15-milliards-chiffre-daffaires-trois-ans

Il a déjà été dit que l'Apple store participe de façon très réduite au bénéfice de Epic (7%) donc bon les soit disant pertes de Epic qui les feraient plonger sans l'Apple store...

avatar Appleseed | 

@persi
"Je me moque peu que ce soit Apple qui soit visé au final, par contre je trouve l'histoire passionnante dans le sens ou elle oppose le plus gros marché d'application du monde qui est en meme temps un des plus fermés au monde, à un autre géant qui a pris un risque et est le premier qui s'attaque aussi frontalement à la pomme."

C’est là l'une de vos erreurs (et celle de nombre d'intervenant sur le sujet) considérer l'App store comme un marché en soit.
L'app store de Apple est une composante d'un marché et non un marché.
Android est sur le même marché (en quantité largement plus grande).
Samsung est sur le même marché.
Etc ...
Un tas de marques, tout secteur confondu, possèdent des stores exclusif (surtout sur internet).
Ca ne fait pas pour autant de chacune d'elles un marché en soit.

avatar webHAL1 | 

@Appleseed :

Vous faites à la fois l'erreur de considérer le marché en tant qu'utilisateur et non en tant que développeur et également de mélanger la nature d'un produit et ses canaux de distribution, ce qui est bien l'enjeu dans la procédure qui nous occupe.
Si un développeur consacre ses efforts à créer une application pour iOS et qu'elle est soudainement retirée de l'App Store par Apple, il n'a pas simplement la possibilité sans aucun effort supplémentaire de développement de proposer son application sur Android pour faire face à cela.
Mais surtout, sur iOS, il n'y a qu'un seul canal de distribution d'applications natives. Ce n'est pas comme sur Window, macOs ou Android, où un développeur peut, s'il n'est pas satisfait d'un canal de distribution, en choisir un autre.
Le fait qu'une marque puisse avoir sa propre boutique exclusive n'a rien à voir : qu'elle vende ses produits uniquement au travers de cette boutique ou via de multiples canaux de distribution, ça ne change pas lesdits produits. Et ce sont SES produits qu'elle vend, dans le cas des applications iOS ce ne sont pas les produits d'Apple qui sont vendus.

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