L'Apple prudente de Tim Cook

Mickaël Bazoge |

Tim Cook a la réunionnite aiguë. En 1998, alors qu'il venait d'entrer chez Apple, sa première réunion a duré… onze heures. Depuis, celui qui est devenu CEO de l'entreprise en 2011 continue de tenir des réunions le vendredi avec les équipes en charge des opérations et des finances, qui peuvent s'éterniser jusqu'à tard dans la soirée. Pour plaisanter, ces réunions sont parfois qualifiés par ceux qui y participent de « rendez-vous galants [date night] avec Tim » tellement elles peuvent durer longtemps.

C'est une des anecdotes relevées dans le long profil que consacre le Wall Street Journal à Tim Cook. On n'y apprendra rien de très nouveau sur la « nouvelle » Apple post-Jobs qui, à l'image de son CEO, est devenue « prudente, collaborative et tactique ». Avec le succès que l'on sait : la capitalisation boursière de l'entreprise est passée de 348 milliards à 1 900 milliards de dollars. Elle a aussi rendu plus de 475 milliards de dollars à ses actionnaires. Sans compter des ventes au beau fixe malgré des petits trous d'air ici ou là.

Mission accomplie donc pour Tim Cook, qui a su bâtir un empire de produits et de services autour des appareils révolutionnaires de son prédécesseur, en particulier l'iPhone. Le smartphone s'est vu joindre au fil du temps une montre connectée, des écouteurs sans fil, des services… Le natif de l'Alabama n'est pas un « product guy » comme son prédécesseur, mais il sait mieux que personne prendre possession de marchés.

« Une fois qu'Apple entre dans une catégorie avec une solution simple et élégante, elle commence à tracer sa route et finit par occuper tout l'espace », détaille Chris Deaver, qui a travaillé quatre ans à Cupertino aux RH avec les équipes de recherche et développement. « Pas besoin de battre des records de vitesse, il suffit de progresser organiquement ».

Sans créateur passionné à sa tête qui impulse une direction, Tim Cook a demandé aux dirigeants chargés du logiciel, du matériel et du design de collaborer entre eux. Une approche du développement là aussi organique et prudente, qui n'a pas eu que des avantages. Dan Riccio, le patron du matériel, s'est intéressé en 2015 au concept d'enceinte connectée. Cook l'a alors bombardé de questions et de demandes d'informations, provoquant chez Riccio l'impression que le CEO n'était pas très chaud à cette idée.

Mais alors que l'équipe du vice-président à l'ingénierie matérielle réduisait la voilure sur ce projet, Tim Cook est revenu à la charge via un courriel à Riccio : en face des Echo d'Amazon, qu'en était-il du développement de cette enceinte ? Il a alors fallu reprendre le travail autour de ce qui allait devenir le HomePod. Un appareil sorti avec deux ans de retard sur la concurrence et qui ne compte que pour 5 millions des 76 millions d'enceintes connectées vendues l'an dernier aux États-Unis, d'après CIRP.

Dan Riccio était habitué des feux verts ou des feux rouges de Steve Jobs. Ce qu'il avait pris pour de l'indécision de la part Tim Cook a poussé ce vétéran d'Apple à remiser son projet d'enceinte. À tort, donc, même si c'est dans la nature et le fonctionnement du CEO de jouer la carte de la prudence. Il ne veut pas lancer un produit qui risque de mal se vendre. Le revers de la médaille, c'est l'impression que les produits font du surplace.

« Quelle est la fonction de l'iPhone que vous utilisez aujourd'hui mais que vous n'utilisiez pas il y a cinq ans », demande John Burkey, ancien ingénieur logiciel chez Apple. « Est-ce que vous utilisez vraiment les Animoji ? ». D'après celui qui a créé l'assistant virtuel Brighten.ai, « Apple donne l'impression d'appuyer tout le temps sur la pédale d'accélération, mais au-delà de l'équipe chargée du matériel qui obtient des gains de performance, il y a la stagnation et l'incrémentalisme [le fait d'ajouter continuellement des petits changements plutôt que d'introduire de grandes nouveautés] ».

« Ce que les gens ne comprennent pas, c'est que l'incrémentalisme c'est quelque chose de révolutionnaire pour Apple », réplique Chris Deaver, l'ancien cadre des ressources humaines. Une technique qui a fait ses preuves : à force d'itérations aussi bien matérielles que logicielles, l'Apple Watch actuelle n'a plus grand chose à voir avec la première génération de 2015, même si de l'extérieur le produit n'a pas vraiment évolué. La transformation s'est faite par petites touches.

Si Tim Cook aime les réunions, il apprécie aussi que ses collaborateurs soient bien au courant de leurs affaires. Très méticuleux, il est aussi exigeant pour lui-même (il se lève toujours à 4 heures du matin pour consulter les données financières de la veille) que pour les autres. Un conseil pour ceux qui participent pour la première fois à une réunion avec le CEO : n'ouvrez pas la bouche. Si Cook sent que quelqu'un est mal préparé, il perd patience et passe au prochain sujet. « Des gens sont partis en pleurant », selon un lieutenant du patron.

Cette exigence est telle que les cadres intermédiaires doivent briefer leurs employés avant des réunions avec Cook pour s'assurer qu'ils sont au courant de tout ce qui passe dans leurs équipes. Indispensable pour ne pas perdre de temps, d'après cette même source. Tim Cook peut aussi se montrer cassant : un jour, il s'est aperçu qu'Apple avait livré 25 Mac en Corée du Sud alors qu'ils étaient prévus pour le Japon. Un faux pas bénin pour une entreprise qui livre 200 millions d'iPhone chaque année… « Nous perdons notre engagement pour l'excellence », pesta tout de même le grand patron.

Tags
avatar YetOneOtherGit | 

@macinoe

"dans le lequel tu t'es incrusté comme à ton habitude"

Le principe de base c’est des échanges ouvert pas un tête à tête 🙄🙄

avatar YetOneOtherGit | 

@macinoe

"Ce que tu abordes en l'espèce, on s'en carre le séant, ce n'est pas le sujet parce que ce n'est que tu n'a rien à voir avec cette discussion."

Non ce n’est que TON sujet 😛

Un invariant chez toi : faire dévier les choses dans ce qui est ton paradigme sans réellement chercher à comprendre les propos que tu commente.

la contribution à laquelle tu te réfère parle d’évolution des coûts en contestant la doxa du « c’est de plus en plus cher » et nullement d’enjeux triviaux d’évolution de performances.

avatar YetOneOtherGit | 

@Inconnu-Soldat

"Il est d'un snobisme absolu de dénigrer Cook et de le comparer négativement Jobs."

Plus de la paresse intellectuelle que du snobisme à mon avis 😎

avatar Florent Morin | 

Là où Jobs a été malin, c’est qu’il n’a pas reproduit 2 fois la même erreur.

Lors de son retour, il a surtout donné une culture forte à Apple.
Ce qui permet aujourd’hui à l’entreprise de conserver son ADN quels que soient les dirigeants.

Et donc avoir Tim Cook comme CEO : un dirigeant qui sait gérer les affaires et laisse les autres gérer ses produits.

avatar Mike Mac | 

De l'époque Ballmer chez Microsoft - évoqué dans ce fil de discussion - on peut aussi retenir le projet Courier (déjà sous processeur ARM Tegra). Projet qui va rebondir ces jours-ci avec la sortie de Microsoft Duo.

A l'époque, Bill Gates - consulté en fin de développement sur le produit - aurait reproché l'absence de compatibilité Outlook. Avis qui a signé la disgrâce du concept.

Avec des emprunts à l'expérimentation logicielle Inkseine, cela semblait prometteur comme approche.

https://tinyurl.com/yxwp28zr

avatar Lecorbubu | 

L’analyse de la gouvernance de Tim Cook comparée à celle de Jobs mériterait une vaste étude sous forme de série d’articles détaillés. On a vite faite de tomber dans des poncifs lorsqu’on aborde ce thème...

Lorsqu’on on compare les deux décennies 2000-2010 et 2010-2020 la première fut indéniablement plus dynamique et enthousiasmante en terme d’innovations et de nouveaux produits que la seconde qui fut plus une montée en puissance d’un univers tech que l’on connaissait déjà, à quelques exceptions près évidemment.
Mais ce n’est pas propre à Apple, c’est valable pour l’ensemble de l’industrie. On sent que les entreprises avancent plus à tâton, les propositions ne manquent pas mais il en résulte rarement des produits vraiment disruptifs, ces derniers arrivent puis se peaufinent d’année en année. Ce qui était appréciable sous l’ère Jobs c’est que les présentations de produits donnaient l’impression d’une UX pensée de manière globale (même si en réalité de nombreuse carences existaient).

En dépit d’une décennie aux innovations plus lentes et progressives l’ère Cook a amorcé de très gros chantiers matériel : le wearable, la réalité augmentée, la transition vers le tout ARM. Chacun d’eux sont le fruit d’un travail effectué étape par étape construisant les bases solides pour l’avenir de l’écosystème Apple.

Progressivement la firme progresse dans ces domaines et renforce des synergies peu vu chez la concurrence, cette cohérence d’écosystème est selon moi un axe primordial dans l’approche produit d’Apple et c’est l’un des point qui l’a distingue de la concurrence.

Même si Tim Cook ne pilote pas cela directement comme Steve Jobs l’aurait sans doute fait, il a quand même su préserver le cadre qui a permis à ces chantiers d’avancer dans un sens positif.
Voyons maintenant comment ceci va évoluer au cours de la prochaine décennie mais quelque chose me dit que celle-ci va être ponctuées d’annonces plus intéressantes et enthousiasmantes : Mac ARM, lunettes AR et services afférents, rapprochement des différents OS et regroupement des App Store. Toutes ces avancés plus au moins décrites dans les nombreux bruits de couloirs seraient l’aboutissement et la concrétisation d’un travail de longue haleine mené lors des dernières années.

avatar YetOneOtherGit | 

@Lecorbubu

Juste quelques chiffres pour les fan du Mac qui souvent fantasmes un âge d’or qui en fait est celui de l’extrême fragilité du Mac :

Il aura fallut attendre l'exercice 2010 pour cumuler un peu plus de 100 millions de Mac vendus depuis l'exercice 1984 soit 27 exercices.

En sept exercices de 2011 à 2017 ce sont 128 millions de Mac qui ont été vendus.

En trois exercices de 2015 à 2017 ce sont 58 millions de Mac qui ont été vendus

avatar Lecorbubu | 

@YetOneOtherGit

Comme évoqué, les années suivant le retour de Jobs étaient formellement plus excitantes. On aura eu en moins de 15 ans la refonte du Mac avec des itérations au design ambitieux et originales, le combo iPod + iTunes donnant un gros coup de pied dans le segment de la vente de musique, l’iPhone et enfin l’iPad. Tout ceci accompagné de MacOS X qui alors distançait significativement Windows a bien des égards et qui a permis le développement d’iOS et de l’app Store. En parallèle de tout ça il y avait le développement des services web .mac, mobile me puis iCloud, la transition vers Intel préparée bien amont.

Difficile de dresser un liste exhaustive tant les nouveautés présentées lors que ces années étaient nombreuses. Pour beaucoup ce fut l’occasion de les mettre en scène au travers de Keynote présentées par un Steve Jobs des plus enthousiaste.

Du point de vue de l’utilisateur et de l’amateur de technologie cet aspect a plus d’importance que n’importe quel chiffre de vente. Bien évidemment lorsque je dis je ne pas dis pas que que ce n’est pas un paramètre important mais contrairement aux dirigeants et actionnaires de l’entreprise c’est sans doute secondaire, en témoigne la base d’utilisateurs plus anciens qui ont adoptés des machines pommées alors même que les ventes n’étaient pas au beau fixe.

De manière plus générale j’irais même jusqu’à dire que le succès de masse ou même le nombre de vente n’est pas toujours corrélés à la qualité ni même au succès d’estime.

C’est un vaste sujet, difficile dire si une période est mieux qu’une autre tant l’ensemble des paramètres sont différents. Elles ont chacune leurs avantages, dans tous les cas les deux formes de gouvernance font leur preuve à leur façon.

avatar YetOneOtherGit | 

@Lecorbubu

« Comme évoqué, les années suivant le retour de Jobs étaient formellement plus excitantes »

Le parcours d’un challenger revenant d’entre les morts c’est toujours un story-telling plus excitant que celui de la référence de l’industrie 😉

Comme disait Aragon : tout est affaire de contexte ;-)

avatar YetOneOtherGit | 

@Lecorbubu

« Du point de vue de l’utilisateur et de l’amateur de technologie »

De ce point de vue c’est pour moi l’ensemble de l’industrie qui est moins intéressante aujourd’hui sur les enjeux de hard et de produits B2C.

Nous ne sommes simplement plus dans le temps des pionniers sur une majorité de produits où l’évolution marque le pas.

Pour retrouver un peu d’excitation il faut attendre la prochaine vraie disruption qui pourrait être l’AR 😋

avatar Lecorbubu | 

@YetOneOtherGit

On est bien d’accord et pour l’heure personne n’a encore su proposé ni une UX ni un environnement applicatif intéressant sur le sujet. Et pour le coup la stratégie d’Apple en la matière ne paye pas de mine mais est intéressante à suivre, on sent que l’entreprise pose ses briques petit à petit.

Ce n’est pas du chantier à ciel ouvert mais pas loin, puisque les fonctions AR présentées jusqu’ici font très gadget mais lorsqu’on imagine tout ce qui nous a été montré jusqu’à présent synthétisés au sein d’un dispositif dédié ça peut devenir très intéressant.
On sent qu’ils travaillent depuis un moment sur les technologies en interne, habituent petit à petit leur communauté de développeurs et d’utilisateurs à ces nouvelles technologies si bien que les Apple glass a leur arrivée auront sans doute une certaine maturité tant au niveau matériel que logiciel via le travail des années antérieures : savoir faire en miniaturisation avec l’Apple watch et les AirPods, dans les capteurs avec TrueDepth et Lidar, et développeurs accoutumés au développement via ARkit.

Finalement l’un des gros morceaux complètement inconnus reste l’interface utilisateur d’un tel appareil, compte tenu du savoir faire d’Apple en la matière et de certains brevets décrits on pourrait avoir quelque chose de très enthousiasmant !

avatar YetOneOtherGit | 

@Lecorbubu

"Et pour le coup la stratégie d’Apple en la matière ne paye pas de mine mais est intéressante à suivre, on sent que l’entreprise pose ses briques petit à petit"

Apple et MS on mis l’AR au cœur de leur vision stratégique moyen/long terme.

Les investissements sont massifs tout comme les achats d’entreprises ayant des savoir-faire.

Ce qu’en vois le grand public n’est même pas la partie émergée de l’iceberg.

Et nous sommes sur une vraie vision long-terme.

avatar harisson | 

@Lecorbubu

"L’analyse de la gouvernance de Tim Cook comparée à celle de Jobs mériterait une vaste étude sous forme de série d’articles détaillés. On a vite faite de tomber dans des poncifs lorsqu’on aborde ce thème..."

Il faut quand même avouer que la période Cook est très paradoxale, et, au fil des news, on s'aperçoit qu'il y a quand même beaucoup de choses qui, de mon point de vue, clochent dans sa stratégie et sa communication globale, ainsi que dans son management (bon, après, il y a eu la grosse contrainte de la soucoupe^WApple Park).

avatar Espcustom | 

Tout le monde critique ici mais y’en a pas un qui ferait mieux que lui. Chez Apple ou dans le domaine de chacun!!

avatar Applesoft | 

@Espcustom

Si ! Sexuellement, je pense être meilleur dans le domaine hétérosexuel que Tim Cook.

Pages

CONNEXION UTILISATEUR