Mac : les prix conseillés d'Apple ont-ils un sens ?

Christophe Laporte |

En fin d’année dernière, nous constations que les prix publics fixés par Apple n’avaient guère de sens (lire : L’Apple Store systématiquement plus cher que ses concurrents) . Que ce soit en période de solde ou non, il y a quasiment toujours des offres promotionnelles sur du matériel Apple. Pas plus tard qu’il y a quelques jours, un grand nom de la vente en ligne proposait quasiment 200 € de remise sur un MacBook Air de dernière génération.

Les Mac et produits Apple sont quasiment soldés en permanence chez les sites de vente en ligne ainsi que chez les grands noms de la distribution. Une situation en complète opposition avec celle que l’on a connue de longue date. Longtemps, les prix publics d’Apple faisaient foi. Il était très rare de voir un partenaire Apple pratiquer des prix en dessous de ceux du marché. La seule exception à l’époque était la Fnac, qui a toujours eu des accords particuliers avec la firme de Cupertino. Mais la fameuse carte adhérent permettait « seulement » d’avoir 5 % de réduction.

Produits Apple ou produits d’appel ?

Alors, pourquoi les produits Apple font-ils soudainement l’objet d’une telle concurrence ? Il y a plusieurs choses à prendre en compte, mais le premier point qu’il convient d’analyser, c’est la situation de la vente au détail.

Les magasins doivent de plus en plus faire avec la concurrence des boutiques en ligne. Cela n’a rien d’anecdotique, on l’a vu avec la mairesse de Paris qui a ouvertement pris position contre la livraison en une heure d’Amazon dans le but « officiellement » de protéger les petits commerces (lire : La livraison en une heure d’Amazon effraie la capitale). Officieusement, il se murmure qu’il n’y a pas que les petits commerces qui sont allés se plaindre de l’arrivée de ce nouveau service.

Les gros acteurs comme la Fnac, Darty ou encore Boulanger, ont une double problématique : renforcer leur présence sur le web face au géant Amazon et continuer à faire venir du monde en magasins.

Dans cette optique, les produits d’Apple servent de produits d’appel. Le consommateur se déplace pour voir les produits frappés d’une pomme surtout s’ils sont vendus à un prix agressif. Le calcul pour les noms de la grande distribution est le suivant : attirer à tout prix le chaland avec des produits Apple, quitte à ne pas faire d’argent dessus ou les vendre à perte et se refaire la cerise sur le reste (accessoires, autres produits…).

Dans cette affaire, le comportement d’Apple est souvent pointé du doigt. En théorie, la firme de Cupertino n’est pas censée tolérer que ses produits soient vendus avec des réductions pouvant dépasser parfois les 10 %. Mais dans le milieu, beaucoup soupçonnent la marque à la pomme de favoriser ce type d’opérations.

Elle octroierait en effet d’importants budgets de communication à certains grands groupes. Là où Apple fermerait les yeux, c’est sur l’utilisation qui est faite de ces budgets. Ils ne serviraient pas forcément à communiquer, mais à financer les réductions consenties par ses partenaires.

Les APR : les dindons de la farce ?

Cette guerre des prix n’est pas sans conséquence. Elle a des répercussions sur tout le reste du réseau. Il est bien difficile d’évaluer l’impact sur les performances des boutiques d’Apple. Mais les vendeurs en Apple Store ont une certaine marge de manoeuvre et peuvent sans broncher accorder une remise pouvant aller jusqu’à 7 % si un client arrive avec un devis présentant une meilleure offre.

Les victimes collatérales de cette guerre commerciale, ce sont les APR et plus généralement le réseau des revendeurs Apple. Ils sont dans l’incapacité de s’aligner. Plusieurs d’entre eux nous ont indiqué enregistrer des baisses de vente sur les unités centrales pouvant atteindre les 20 / 30 %. Apple ne fait rien pour les aider, les menaçant même s’ils avaient l’idée de trop s’écarter des prix publics qu’elle fixe.

En ces temps de crise, les avantages que peuvent procurer les APR comme le conseil, un contact unique pour la vente et le SAV, une certaine proximité client ou encore la possibilité de tester les produits Apple dans un cadre agréable, ne pèsent pas lourd dans l’esprit du consommateur face à une réduction de plusieurs centaines d’euros.

Le manque de courage d’Apple France

Cette baisse des ventes n’est pas forcément uniforme. Elle varie en fonction de la localisation des boutiques et si elles ont à faire à une forte concurrence à proximité. D’autres facteurs pourraient être mis en avant pour expliquer cette baisse des ventes comme l’absence de nouveautés fracassantes, notamment concernant le Mac. En même temps, ce manque d’innovation n’empêche pas Apple de connaitre une croissance de quasiment 20 % chez les acteurs de la grande distribution.

Les différents acteurs que nous avons interrogés ont tenu des propos très durs au sujet d’Apple France. L’un de nos interlocuteurs nous a déclaré qu’« Apple manquait de courage dans ce dossier », laissant entendre que la situation était assez spécifique à l’Hexagone, tandis qu’un autre déplorait « le manque total de stratégie commerciale d’Apple France ».

Une forme de concurrence déloyale en quelque sorte, qui s’exprimerait à différents niveaux. Les revendeurs n’ont pas l’impression d’avoir à disposition les mêmes moyens accordés aux grands noms de la distribution. Ces derniers seraient mis au courant en amont des opérations spécifiques aux APR afin de pouvoir les contrer…

L'Apple Store Opéra.

Comme toujours pour les APR, la mission consiste à se réinventer. Une boutique Apple qui n’a misé que sur le grand public a peu de chance de s’en sortir. Il est impératif de reposer sur d’autres piliers comme les marchés de l’éducation et/ou de l’entreprise. Pour attirer le grand public, certains réfléchissent également à une diversification de leur offre en proposant plus d’objets connectés ou de produits audio.

Avec son réseau de distribution spécialisé, Apple a toujours soufflé le chaud et le froid. En ce qui concerne la gestion des stocks, ils sont bien mieux traités que par le passé, recevant les nouveautés en même temps que tout le monde. Ils ont même eu le droit de figurer dans l’app Apple Store. Angela Ahrendts avait déclaré l’année dernière qu’elle considérait que « les APR étaient une partie intégrante de l’écosystème Apple et devaient être traités comme les [Apple Store]. »

Apple : le nouveau Samsung ?

Ces promotions permanentes illustrent parfaitement le double langage commercial d’Apple. L’année dernière, la responsable des Apple Store se félicitait que les Apple Store restaient à l’écart de la grande fête commerciale qu’est le Black Friday, arguant que « bien traiter nos employés est une bonne chose pour le business ».

Le Black Friday d'Apple en 2014
Le Black Friday d'Apple en 2014

L’un des objectifs assumés d’Angela Ahrendts est de développer Apple non seulement comme une marque premium, mais aussi comme une authentique marque de luxe. Le boycott du Black Friday s’explique beaucoup plus dans cette optique que dans celle de choyer les employés des boutiques Apple.

Il y a cette volonté d’être partout d’une part, et d’être une marque de luxe d’autre part. Après tout pourquoi pas, mais on peut difficilement incarner les codes du luxe en jouant 300 jours par an (volontairement ou non) avec le paramètre prix.

On nous a expliqué que cette guerre tarifaire pénalisait le réseau agréé Apple. C’est probablement vrai, mais à plus long terme, cela pénalise avant tout l’image de marque d’Apple.

Les consommateurs qui étaient jusqu’à présent habitués à payer le prix public, vont chercher systématiquement une remise et seront beaucoup plus exigeants sur celle-ci. Dans le milieu, Samsung est souvent moqué pour ses prix publics. À chaque fois que le géant coréen sort un nouveau produit, celui-ci fait l’objet d’une promotion ou d’une offre spéciale dans la semaine qui suit. Au rythme où vont les choses, Apple sera peut-être le prochain Samsung.

Parvenir à maintenir une certaine unicité des prix dans l’ensemble de ses réseaux n’a pourtant rien d’impossible. Certaines marques - Bose pour la high-tech, Hermès pour le luxe - y parviennent très bien, mais c’est une question de volonté. Apple a les moyens de faire plier n’importe quel distributeur. Encore faut-il en avoir envie !

Derrière cette guerre tarifaire se cache enfin, peut-être un autre constat moins reluisant pour Apple : si elle multiplie (indirectement ou non) les offres promotionnelles, c’est parce qu’il y a du stock. Et que pour écouler ses produits et atteindre des objectifs toujours plus élevés, Apple donne l’impression de ne plus avoir de choix que de se comporter comme n’importe quel pousseur de cartons.

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avatar bonnepoire | 

Après les vendeurs viendront faire les pauvres avec des marges à 1€???

avatar 2DSP | 

@bonnepoire :
Apple ferait mieux de développer son proposée raison de boutiques et de limiter son nombre de partenaires... ça devient un peut n'importe quoi. Maintenant on peut retrouver des produits Apple exposés comme de la chair à saucisse dans n'importe quel supermarché... question image de marque, on repassera.

En mettant en avant les Apple Store, les APR et la Fnac par exemple (qui en France est un très bon partenaire et met en place des mini stands Apple).

Apple pourrait faire ainsi un effort sur sa marge tout en protégeant ses bénéfices grâce à son réseau propre... et lorsqu'elle a besoin de ses partenaires, leur nombre étant limité, la pomme pourrait négocier au mieux ses prix tout en assurant à ses revendeurs exclusifs une marge suffisante et des tarifs cohérents avec ceux de l'Apple Store.

avatar jazz678 | 

@2DSP :
Ceux qui prétendent donner des leçons de stratégie de vente à Apple me font doucement sourire.
Hier j'entendais Jérôme Rothen expliquer comment C Ronaldo aurait dû jouer pendant l'euro
Il est temps que je prenne des vacances...

avatar Jeckill13 | 

"ou les vendre à perte"

La législation n'interdit-elle pas de vendre à perte ?

avatar DouceProp | 

Refurb.

avatar cv21 | 

Refurb aussi mais j'ai beau regardé même avec 15% de réduction par rapport au prix conseillé l'investissement reste encore très/trop élevé.

De plus, vu qu'il s'agit d'un achat à long terme (5 ans mini dans mon cas), l'arrivée des nouveaux standards thunderbolt3 et USB3 rend la gamme actuelle d'iMac moins intéressante dans un budget de 1800 environ. Pour moi, c'est une somme ! En bref, les iMac "haut de gamme" à 4000 doivent être "sympas". J'ai tout de même l'impression qu'il y a de bonnes et moins bonnes années en terme de performances/prix. La période avec des tarifs élevés me semble perdurer...d'ou peut-être des promotions pour déstocker ces machines quasi invendables (le nombre de ventes plutôt stable me contredit). Apple a toujours était "cher" et bizarrement rarement aussi visible !

avatar 2DSP | 

@jazz678 :
Je ne fais que relever quelques incohérences dans le discours... et donner un avis. Je ne prend pas ma parole (ni mes écrits) pour loi. Je ne prétend ni être un professionnel du sujet et encore moins être un donneur de leçon. Je veux juste pourvoir poser une idée, en débattre calmement avec des gens qui ont un point de vue proche ou non... et finalement construire, déconstruire et/ou reconstruire mon opinion.

avatar jazz678 | 

@2DSP :
Ah...
J'ai cru un instant que vos prétentions étaient plus élevées. Au temps pour moi...:0)

avatar iThomas | 

Peut être que leurs objectifs de vente deviennent trop élevés...

avatar hugome | 

Marrant cet article. Comme si les prix n'étaient pas libres et s'il n'était pas interdit à un producteur de faire pression sur un distributeur...

avatar Nesus | 

@hugome :
Bravo ! Seul commentaire sensé.

avatar wildtiger | 

J'ai eu mon iPhone 6s le jour de sa sortie dans une grande surface avec 20% en bons d'achats. Il me viendrait pas à l'idée d'acheter en Apple Store ou sinon à la rigueur dans le refurb.

avatar Chanteloux | 

Si je peux me permettre une lecture de l'article à un 2ème niveau: MacG dévoile dans cet article brillant un Apple plutôt désorienté. Et il y a peu de temps MacG montrait dans un autre article un Apple pur et dur sachant très bien oû il s'en va bon ou mauvais vent. MacG, confus, ambivalent comme Apple??? Bref en lisant MacG je ne sais pas non plus toujours sur quel pied danser.

avatar Jef-67 | 

Ayant été revendeur Apple, cet article mets en avant ce qui a pratiquement toujours été ...
Les objectifs financiers d'Apple sont incompatibles avec une "Marque de Luxe" dans le sens ou ils sont trop gourmand.
Quand à Apple France, ils ont le doigt sur la couture ...

avatar Espcustom | 

pourtant marque de luxe=marges faramineuses...

Pas dans tous les secteurs certes, mais c'est une constante.

avatar byte_order | 

Marges justifiées par :
- une qualité irréprochable
- des petits volumes
- une clientèle traitée en conséquence

Apple n'est pas dans cette situation.
Ils produisent en masse des produits (avec une marge très haute) relativement similaires à des produits concurrents notablement moins chers, la qualité n'est pas toujours au rendez vous et la clientèle est traité comme une clientèle d'abonnés à une offre Premium (avec une certaine captivité assumée genre "de toute façon vous n'irez nul par ailleurs que chez nous").

avatar Jef-67 | 

C'est très clairement ça ... Nous essayons avec beaucoup de mal (Bug en série) d'apporter ce service à nos clients ... Mais les décisions d'Apple par rapport à son modèle économique ne nous facilitent pas la tâche ...

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