« Le FBI crée un monde où les citoyens comptent sur Apple pour défendre leurs droits »

Stéphane Moussie |

L'issue du bras de fer titanesque qui oppose Apple et le FBI autour du chiffrement est toujours incertaine, mais avec sa lettre ouverte Tim Cook aura au moins rempli un de ses objectifs, provoquer un débat public.

Plusieurs associations et personnalités ont fait part de leur position sur le chiffrement — et la protection des données personnelles en général — que le FBI veut affaiblir dans le cadre d'enquêtes et qu'Apple veut préserver coûte que coûte.

Numéro de Wired d'août 2014 avec Snowden en une. Crédits : Mike Mozart CC BY

« Le FBI est en train de créer un monde où les citoyens comptent sur Apple pour défendre leurs droits, plutôt que l'inverse », observe Edward Snowden, l'ex-agent de la NSA qui a révélé les programmes américains de surveillance généralisée.

L'Electronic Frontier Foundation (EFF), une association américaine de défense des libertés numériques, déclare soutenir Apple dans « la bataille du chiffrement ». Comme Tim Cook, l'EFF soutient que ce que le gouvernement demande va bien au-delà du simple déverrouillage d'un iPhone dans le cadre de l'enquête sur la tuerie de San Bernardino.

Le gouvernement est en train de demander à Apple de créer une clé maîtresse qui lui permettrait d'ouvrir n'importe quel téléphone. Et une fois que cette clé maîtresse sera créée, nous sommes certains que notre gouvernement va s'en servir encore et encore, pour d'autres téléphones, et utiliser ce pouvoir contre tous les logiciels et les terminaux qui ont l'audace d'avoir une sécurité renforcée.

L'EFF craint aussi que cette requête fasse tache d'huile : « Même si vous faites confiance au gouvernement américain, une fois que cette clé maîtresse sera créée, les gouvernements du monde entier vont sans aucun doute demander à Apple de saper la sécurité de leurs citoyens également. »

L'association va soutenir très concrètement Apple en faisant parvenir au tribunal un amicus curiae, c'est-à-dire un document qui expose son opinion dans le but d'aider à trancher l'affaire.

L'American Civil Liberties Union, la principale organisation de défense des libertés aux États-Unis, a également affiché son soutien à Apple. L'argumentaire est plus juridique que celui de l'EFF :

La Constitution ne permet pas au gouvernement de forcer les entreprises à pirater les appareils de leurs clients. Apple est libre de proposer un téléphone qui stocke les informations en toute sécurité, et cela doit rester comme cela pour que les consommateurs conservent le contrôle de leurs données privées.

L'American Civil Liberties Union met également en garde contre la création « d'un dangereux précédent » qui pourrait profiter aux régimes répressifs.

Du côté des opposants d'Apple, Bill Bratton, le responsable du service de police de New York, a déclaré « qu'aucun terminal, aucune voiture et aucun appartement ne devraient être hors de portée d'un mandat de perquisition délivré par un tribunal. »

« Étant donné que les menaces de l'État islamique [l'attaque de San Bernardino a été menée au nom de l'organisation djihadiste, ndr] deviennent plus variées et plus complexes, nous ne pouvons pas donner à ceux qui cherchent à nous nuire des outils supplémentaires pour garder leur activité secrète », a-t-il ajouté.

Donald Trump, candidat à l'investiture républicaine pour les prochaines élections américaines, s'oppose lui aussi à Tim Cook : « Apple ne nous permettrait pas d'entrer dans son téléphone ? Mais pour qui ils se prennent ? Non, nous devons l'ouvrir. »

avatar Average Joe | 

Ceux qui vendent des armes à l'EI ne sont pas surpris de ce pour quoi elles sont utilisées. Ils veulent les voir répandre le sang aussi ardemment que cette organisation (tiens, je verrais bien un James Bond contre l'E.I. qui a remplacé Spectre dans le genre organisation criminelle passe-frontières). Exemple cet "identitaire" qui a vendu ses armes à Amedy Coulibaly et s'est fait gauler avec sa femme. Il va en prendre un max. Les têtes commencent à tomber.

avatar blackops | 

C'est bien joli de sortir des phrases du genre "la liberté c'est bien.. blablabla", mais ça n'apporte pas de solution au problème. Le fait est, et demeure, que l'Etat n'est ni digne de confiance, ni capable de garder un secret. L''Etat veut une clé magique capable de décrypter n'importe quel appareil et il promet qu'il sera le seul à détenir cette clé, que l'utilisation de cette clé sera très très très encadrée et surtout, il promet que les conditions d'utilisation de cette clé ne changeront pas derrière ton dos.

La question a mille balles: tu gobes ce que te dit l'Etat ou pas? Possible que l'Etat soit de bonne foi après tout... (ce qui serait une grande première). Hmmmm... prenons l'exemple des radars automatiques: l'Etat avait promis que les panneaux avertissant de leur présence ne seraient jamais enlevés et pourtant, quelques années plus tard, parce que l'Etat a besoin de pépettes, il décide, sous la guise d'une recrudescence bidon des accidents de la route, de retirer une partie de ces panneaux pour permettre plus de déclenchements et donc plus de verbalisations et donc plus de pépettes.

Version officielle: l'Etat lutte contré la sécurité routière.

Version réelle: l'Etat a besoin d'argent et revient sur un promesse faite aux Français.

Maintenant, on remplace les panneaux indiquant la présence de radars et par la clé de décryptage magique. Là, PLUS RIEN de notre vie privée est en sécurité. D'abord parce que l'Etat peut inventer n'importe quel prétexte bidon ou pas (c'est invérifiable) pour l'utiliser, mais aussi, comme elle existe et qu'elle est confiée à des employés de l'Etat, il y a un énorme risque qu'elle se retrouve dans la nature (perdue, oubliée, vendue, volée) et qu'elle soit utilisée, y compris contre les intérêts de l'Etat.

C'est ce qu'on appelle une situation lose/lose.

Et pour finir, même se ça me peine de l'avouer, il vaut mieux quelques morts mais que les données privées de tous soient en sécurité que l'inverse.

avatar fte | 

Pour ma part, ma position est des plus simples.

La Constitution est un texte fondateur dont l'objectif premier est d'affaiblir les puissants, de faire en sorte que ceux que nous désignons (la plupart du temps très indirectement) pour gouverner aient des limites claires et infranchissables et aient peur pour leur job.

Dit différemment, la Constitution est un texte qui existe parce qu'on ne peut pas avoir confiance en nos dirigeants, parce que ça serait une grave erreur de leur faire confiance.

En conséquence de quoi, trois règles :

- NE PAS faire confiance au gouvernement. Jamais.
- NE PAS donner de nouveaux pouvoirs au gouvernement.
- User de tous les moyens raisonnables pour affaiblir le gouvernement à la limite du blocage. Il doit pouvoir fonctionner, mais certainement pas facilement.

Bruno Mégret : "Ayez confiance...".
La Constitution : "NON".

FBI : "Clé de décryptage universelle...".
La Constitution : "NON".

C'est la seule réponse acceptable. Ils n'ont qu'à faire leur boulot d'investigation en suant et peinant.

avatar larkhon | 

Pour tous les gens soucieux de leur liberté et supportant Snowden, combien ferment les yeux et pensent "du moment que les Etats-Unis restent les premiers, du moment que mon confort n'est pas touché, ils n'ont qu'à voir ce qu'il y a sur mon téléphone"?

Le combat est louable, quand on parlait de vidéosurveillance à outrance je me suis toujours opposé au principe du "si t'as rien à te reprocher tu dois te laisser filmer", mais le fait est qui d'entre nous veut bien renoncer à sa petite impression de sécurité. Parce que ce qu'on veut nous imposer c'est bien une impression de sécurité et non pas la sécurité elle-même. Et cela vaut aussi pour un cryptage de téléphone, quelles sont les données auxquelles on peut accéder et quelles sont hors limites. Car si je me retrouve en enfer je préférerais ne pas m'abriter sous un igloo...

Pages

CONNEXION UTILISATEUR