Pourquoi la presse high-tech est trop clémente avec Apple

Christophe Laporte |

Ceux qui suivent Apple de longue date se souviendront d'une époque où quoi que faisait l'entreprise, elle se faisait découper par la presse spécialisée. Avant l'iPod, la presse de manière générale était toujours très critique pour de bonnes ou de mauvaises raisons. À la fin des années 90, il est vrai que l'excellence n'était pas forcément la caractéristique principale de tous les produits estampillés d'une pomme.

Mais même quand Apple parvenait à se distinguer en sortant des produits innovants, on pense à l'iMac notamment, il était de bon ton d'être sceptique. La sacro-sainte compatibilité était alors l'argument ultime pour rhabiller les produits de Cupertino.

Depuis, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts et la perception d'Apple n'a eu de cesse d'évoluer. Avec l'iPod, puis l'iPhone, la marque à la pomme est devenue le chouchou des médias. Sa réussite insolente, sa capacité à sortir des produits perçus comme révolutionnaires, et le charisme de son cofondateur, tranchaient avec la concurrence souvent incapable de devancer les besoins du grand public.

Puis, à l'image d'un sportif qui accumule les victoires, la perception d'Apple a de nouveau évolué auprès des médias généralistes, qui lui ont trouvé des défauts à la hauteur de ses qualités. La firme de Tim Cook, ces dernières années, c'est également la championne du monde de l'optimisation fiscale, la société qui a des sous-traitants qui ne sont pas toujours irréprochables ou encore la société qui maltraite ses partenaires. On n'est pas là pour compter les points, ce n'est pas l'objet de cet article.

Même si la cote d'amour d'Apple n'est peut-être plus à son zénith, elle continue d'avoir les faveurs de la presse high-tech. Là où il y a quinze ans, Apple avait toutes les peines du monde à avoir des tests positifs, c'est désormais l'exact contraire.

iMac 21” Retina 4K : un constat identique, des notes bien différentes

L'iMac Retina 4K en est la parfaite illustration. Dans notre test, nous n'avons donné que 4,5/10 à cette machine en raison de son disque dur anémique qui ruine les performances. À ce sujet, si les employés de Cupertino pouvaient faire comme ceux de Facebook (lire : Le mardi c'est "connexion pourrie" chez Facebook) et être contraints à travailler sur des configurations d'entrée de gamme, les choses seraient sans doute différentes.

On a suivi de près le sujet dans les autres médias pour savoir quel sort allait être réservé à cet iMac. Après tout, la pluralité des avis, c'est ce qui fait le sel et l'intérêt de la presse. Là où nous avons souvent été étonnés, c'est que les constats faits par les différents testeurs sont souvent très proches, mais que les conclusions et les notes sont bien différentes.

Dans son article, The Verge donne plus de points négatifs que de points positifs. Son auteur, Chris Welch, relève les mêmes défauts que nous, à savoir un disque dur extrêmement lent et l'absence de ports USB-C. Il insiste également à juste titre sur d'autres points comme l'absence de carte graphique dédiée ou le fait que le branchement des périphériques est toujours très pénible. Malgré tout cela, l'iMac 21" s'en sort avec une très bonne note de 8,4 sur 10. Pour la défense de The Verge, la note concerne l'ensemble de la gamme iMac 21" Retina. Si nous avions testé un modèle avec SSD, notre note aurait sans doute été meilleure, mais pas à ce point.

Le constat est assez identique chez Macworld. Là encore, les points négatifs l'emportent sur les points positifs. Les défauts sont similaires à ceux évoqués dans notre test et celui de The Verge. Jason Snell ajoute toutefois un autre défaut : le fait qu'Apple ait mis dans sa machine des anciens processeurs Intel.

En ce qui concerne les qualités, deux se détachent nettement pour le journaliste : l'écran Retina (qui effectivement est une sacrée qualité) et l'ajout du Thunderbolt 2. Si la balance parait déséquilibrée, l'iMac s'en tire avec une note de 4/5. Nous avons trouvé des constats identiques dans certains médias français. Le but de cet article étant davantage d'exprimer certaines idées plutôt que de lancer une polémique, nous ne nommerons pas les médias en question.

Quand la presse high-tech joue à l’école des fans

Alors, peut-être sommes-nous trop sévères. Mais de mémoire, l'écolier que j'étais devait se donner beaucoup de mal pour avoir une note de 16 ou 17 sur 20. Pour être honnête, cela m'arrivait assez rarement, alors que les 9/20, 11/20 ou 13/20, j'y étais assez habitué.

Tout ça pour dire que globalement dans l'industrie high-tech, c'est souvent l'école des fans : beaucoup de très très bonnes notes et rarement (jamais en fait) des notes en dessous de la moyenne. Cette différence me surprend toujours lorsque je feuillette la presse spécialisée. Pourtant, dans l'industrie high-tech comme ailleurs, les mauvais produits ne sont pas une denrée rare.

Comment expliquer cela ? On peut toujours ressortir certains arguments comme celui des budgets publicitaires, qui peut dans certains cas peser dans la balance, ou du copinage (NDLR : après tout, nous avons été blacklistés chez certains annonceurs suite à des articles défavorables ou des tests jugés trop durs). Vu l'importance qu'a prise Apple, être dans ses petits papiers, cela n'a pas de prix. Alors quand le constructeur propose à certains médias triés sur le volet d'avoir un produit en avant-première, la tentation de ne pas faire de vague doit être grande.

De manière plus générale, certains journalistes oublient peut-être un peu facilement que leurs lecteurs achètent avec leur argent les produits qu'on leur offre ou qu'on leur prête. Pour en revenir au cas très précis de l'iMac, Apple est également assez habile. Quand elle envoie un produit pour un test, c'est rarement l'entrée de gamme. C'est souvent le modèle avec toutes les options que vous rêvez de prendre, mais dont vous n'avez pas les moyens.

La relation entre Apple et les médias a toujours été compliquée, même si la firme de Cupertino a changé son fusil d'épaule depuis quelques années déjà (lire : Comment Apple ne communique pas avec la presse). Mais ce qui est certain, c'est qu'Apple a toujours accordé beaucoup d'importance aux avis des médias. Il n'y a qu'à voir les multiples citations faites lors des keynotes pour illustrer l'excellence d'un de ses produits.

La critique est difficile : l’exemple du Magic Trackpad 2

À tout cela, il faut bien évidemment ajouter le côté subjectif de la note. Pour reprendre le parallèle avec l’école, il y a les professeurs qui sont indulgents et les autres — les pires diront certains… En tout cas, nous savons à quelle catégorie nous nous rattachons. Et puis, donner une note n’est pas toujours un exercice facile. La preuve pas plus tard que la semaine dernière avec le test du Magic Trackpad 2, auquel nous avons mis 7/10.

Comment noter un tel objet ? Le nouveau trackpad d’Apple est une réussite sur bien des points. Si l’on mettait le prix de côté, sa note serait tout simplement excellente. Mais il y a la question du prix qu’on ne peut pas (qu’on ne doit pas) évacuer.

149 €, c’est une somme considérable pour un tel objet. C’est d’autant plus difficile à comparer que les trackpads pour ordinateur de bureau ne sont pas légion. Il n’y a bien que Logitech qui s’y était essayée avec le T651.

Un de nos lecteurs remarquait que le combo Magic Keyboard et Magic Trackpad 2 revenait à 268 € soit 48 % du prix du premier Mac mini, qui n’est livré avec rien du tout. Il y a des excès que le relatif affaissement de l’euro ne parvient pas à expliquer.

Mais si l’on regarde le verre à moitié plein, ce trackpad n’est pas forcément si cher que cela. Le dernier modèle est resté au catalogue cinq ans. Dans le quotidien d’un utilisateur qui passe 8 heures par jour devant un ordinateur, doit-on « radiner » sur quelque chose d’aussi important qu’un dispositif de pointage ? Si l’on ramène le prix du Magic Trackpad 2 au temps passé (8 heures par jour pendant quelques années), son prix ne parait pas si exagéré que cela.

Tout cela pour dire que l’on peut prendre le problème par différents bouts et parvenir à des conclusions bien différentes.

image de une : un journaliste photographie un Apple I. Crédit Robert Scoble CC BY

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avatar Philactere | 

@Chanteloux :
Le prix comme seul critère n'a effectivement de sens qu'en rapport au pouvoir d'achat de client.
Par contre le prix mis en rapport avec le produit vendu (qualités, défauts, quantités) est tout à fait pertinent, ca porte même un nom, le rapport qualité-prix. Ca permet pour un prix donné de comparer les qualités face aux produits concurrents ou dans l'autre sens, pour une qualité donnée de comparer le prix face à la concurrence.
Le prix tout seul n'a affectivement pas d'intérêt mais une évaluation du rapport qualité-prix a bien sa place dans un test de presse ayant pour but de guider les consommateurs.

avatar Chanteloux | 

Le rapport qualité-prix est une donnee eminement subjective qui n'appartient qu'a l'acheteur.

avatar Philactere | 

@Chanteloux :
Toute évaluation comporte une part de subjectivité, le prix lui n'a par contre rien de subjectif comme donnée. Et pourtant il ne s'agit pas de l'inclure comme critère dans l'attribution d'une note générale (ce n'est pas mon propos) mais de pouvoir établir un rapport qualité-prix, certes sur une donnée en partie subjective, la note qualitative, mais basé sur la COMPARAISON avec le marché.
Un produit A noté 4,5 au prix de 100 a un rapport qualité-prix équivalent au produit B noté 8,5 au prix de 200, au consommateur de faire son choix en fonction de ses besoins et/ou moyens financiers. Par contre le même produit À noté 4,5 au prix de 100 sera nettement plus avantageux que le produit B au prix de 200 mais noté également 4,5. A l'inverse si le produit B noté 8,5 est au même prix que je produit A noté 4,5 je n'hésite pas et me dirige vers le produit B.
Le rapport qualité-prix n'a de sens en effet que dans la comparaison avec d'autres produits similaires sur le marché, mais pour ca faut-il encore en connaître le prix.

avatar Philactere | 

@Chanteloux :
Maintenant si le rapport qualité-prix te semble complètement subjectif alors c'est la note qu'il faut supprimer puisque c'est elle la donnée subjective de l'équation (l'appréciation de certains éléments et surtout la clé de notation des différents critères dans la note finale).

Je comprends que le rapport qualité-prix puisse faire peur, c'est l'élément qui peut nous fait sentir pigeon ou malin face au choix effectué.
Mais je te rassure, je n'ai pas toujours fais le choix du meilleur rapport qualité-prix dans mes achats, et pas que pour les petits achats !
L'humain a ceci de magnifique que beaucoup de subjectif ou d'irrationnel vient s'interposer dans des choix au départ rationnels. Ce qui fait que le rapport qualité-prix n'est au final qu'un critère de décision au milieu d'autres critères, rationnels ou non.

avatar webHAL1 | 

@Philactere :
Entièrement d'accord avec vous. Le prise en compte du prix lors d'un test me paraît totalement pertinente et de plus MacG a l'intelligence de mettre en avant les points positifs et négatifs des produits qu'ils évaluent. Je pense donc qu'il faut, dans tous les cas, en plus de la note, prendre en compte ces informations. Et si un produit obtient par exemple 7/10 et que le seul point négatif est un prix trop élevé, cela permet immédiatement d'identifier si cela est un obstacle ou non (la réponse sera différente pour chacun).
À mon sens, ne pas inclure le prix dans l'évaluation serait un peu comme (en exagérant) tester un Mac sans tenir compte du bruit, en arguant "pour une personne travaillant dans un milieu qui n'est pas totalement silencieux, ce critère n'est de toute manière pas significatif". ^_^

Cordialement,

HAL1

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