Un petit MacBook qui annonce des bouleversements

Florian Innocente |

Les confettis retombés, le lancement d'une toute nouvelle génération de matériels Apple est intéressant en cela qu'elle révèle enfin au grand jour les directions choisies pour l'avenir, avec ce qu'elles peuvent avoir de clivant au sein des utilisateurs. L'histoire d'Apple est émaillée d'exemples où cette philosophie a été appliquée : une nouvelle machine crée un précédent technique qui ricoche partout avant d'entrer dans une normalité acceptée par tous, même ceux qui l'avaient vouée aux gémonies.

Tim Cook et son MacBook

L'exemple ne vient pas nécessairement de matériels haut de gamme, ces frondeurs peuvent être des machines très grand public, celles qui vont avoir un impact sur le plus grand nombre. Comme l'iMac qui a lancé l'USB chez Apple ou l'iBook "palourde", qui a fait entrer le Wi-Fi à la maison grâce au renfort d'une borne rigolote en forme de soucoupe volante. Ils ont chacun ouvert le chemin vers ces technologies aux machines plus pro dans la gamme d'Apple et parfois aidé la concurrence à s'en emparer tout autant. Aujourd'hui, même une montre peut être à l'origine de nouveautés dans les Macintosh ! D'ailleurs, cela dépasse le strict cadre du matériel lorsqu'on voit le souci d'Apple d'homogénéiser aussi ses polices de caractères entre sa montre et le clavier du MacBook.

Quelques exemples parmi d'autres avant de revenir sur le MacBook. En 1998, l'iMac tire un trait sur les connecteurs propriétaires ADB au bénéfice d'un USB naissant sur PC et sans aucun périphérique compatible pour le Mac. Steve Jobs y supprime aussi la disquette et il martèle qu'il suffit maintenant d'échanger ses fichiers par Internet : lui, disait-il, avait un accès haut débit à domicile… mais le reste du monde pas encore. Stupeur et tremblements chez les utilisateurs, brutalement dépossédés de cet increvable carré de plastique et condamnés à remiser aussi leur scanners, imprimantes et autres claviers ADB. 14 ans plus tard, l'iMac éjecte cette fois son lecteur/graveur de DVD et se fait fin comme jamais en attendant de pouvoir, un jour, écarter définitivement les disques durs.

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Le MacBook Air 13 de 2008 signe la première mort du SuperDrive dans les portables Apple (notez qu'il était vendu 1 800 $ contre 999 $ maintenant). En 2010 c'est au tour du disque dur d'être totalement remplacé par du stockage flash. Il faudra attendre deux ans de plus pour que le scénario se reproduise dans les MacBook Pro (Retina) et encore un an supplémentaire avec le Mac Pro de 2013. Entre temps c'est le Mac mini qui se séparait de son SuperDrive en 2011.

On pourrait aussi parler des emprunts faits aux iPhone et iPad par les Macintosh. Écran Retina sur l'iPhone 4 en 2010 puis sur les iPad et les MacBook Pro en 2012, puis encore sur l'iMac en 2014 et enfin sur ce MacBook 2015.

Le multitouch des écrans d'iPhone a suivi le même chemin : d'abord par un trackpad de portable compatible avec des gestes multitouch, mais qui conservait un bouton séparé. Puis avec une fusion des deux éléments, puis avec ce trackpad dit Force Touch qui équipe le MacBook et les derniers MacBook Pro 13" Retina. Une désignation Force Touch qui est apparue d'abord sur la montre et que la rumeur promet maintenant aux prochains iPhone 6.

On le voit, une orientation technique majeure ne reste jamais cantonnée à une machine. Elle est envisagée dans une globalité et sur la longueur, traversant lorsque c'est possible les frontières entre des familles de produits.

MacBook, le passé reconjugué au futur

Cela fait quatre ans qu'Apple avait abandonné la famille "MacBook". Son dernier représentant était un joli portable très arrondi, tout blanc, en plastique, épais et lourd. Le MacBook 2015 est une fine lame d'aluminium grise ou dorée, très chère et qui sacrifie tout ou presque sur son passage (lire aussi Apple réinvente le MacBook : plus fin, moins polyvalent).

Le précédent MacBook dans sa dernière itération unibody

Tim Cook l'a justifié lors de sa présentation. La « définition de la portabilité a changé ces dernières années », poussée par les smartphones et les tablettes. Apple s'est donc donnée comme mission de « réinventer le portable ». Réinventer chez Apple cela signifie souvent repartir d'une page blanche, quitte à oublier ce qui était loué auparavant. Le connecteur aimanté MagSafe qui se détache tout seul était une brillante invention hier ? Il est absent du MacBook, remplacé par une prise d'alimentation dépourvue de cette astucieuse précaution.

La Pomme a de nouveau laissé s'exprimer ses obsessions de finesse et sa haine des câbles, voilà un 12" plus léger encore (920 grammes) que cette plume qu'est le MacBook Air 11" (1,08 kg). Chaque produit Apple, génération après génération, évolue par coups successifs de lime et de rabot. Ils finissent toujours par être réduits à leur fonction première.

La carte-mère du MacBook Air 11" en bas et celle du MacBook en haut (plus de ventilateur et seulement deux connecteurs)

La puissance est la caractéristique première d'un Mac Pro ? Aujourd'hui, cet ordinateur est avant tout l'assemblage d'un processeur avec des cartes graphiques placés autour d'une ventilation sophistiquée. Un gros moteur et c'est tout, le reste est devenu superflu donc expulsé de la machine.

L'iMac se caractérise par son écran intégré ? C'est ce qu'il est devenu mais sous une forme inversée par rapport à ses origines. Toute l'épaisseur qui entourait autrefois son tube cathodique a été avalée et digérée par l'écran. L'iMac d'aujourd'hui se résume quasiment à une dalle de verre derrière laquelle Apple a ménagé un peu de place pour loger une carte-mère.

Ce MacBook est surtout un concentré de nouvelles technologies et de principes de fabrication qui vont infuser dans les prochaines générations de portables. Cette transplantation a débuté dans les 13" et les autres portables vont devoir suivre, mais probablement par étapes tant certains choix sont radicaux et osés.

Les MacBook Pro 13" Retina ont déjà reçu le trackpad Force Touch mais pas encore le nouveau clavier. La gamme 15" est totalement dépourvue de ces deux transformations. Cependant, elle n'a pas non plus de puces Broadwell à se mettre sous la dent. Gageons qu'une fois ces processeurs à disposition, Apple sortira un 15" qui emprunte une partie des nouveautés du MacBook, au moins le trackpad et peut-être le clavier dans le même mouvement.

Au passage, Force Touch montre à nouveau qu'Apple n'entend pas de sitôt mettre un écran tactile sur ses Mac. En octobre dernier, Craig Federighi déclarait : « Nous nous concentrons vraiment sur la conception des meilleurs trackpads qui soient ». Des propos qui ont trouvé leur illustration hier avec ce trackpad inédit.

MacBook : le petit rectangle en haut est la carte mère, tout en bas le Trackpad et autour d'eux les cellules de batteries

La quasi absence de toute connectique sur le MacBook est une autre affaire, une de celles qui prendra plus de temps à être appliquée aux autres portables. D'ailleurs, ont-ils seulement vocation à en bénéficier même à moyen terme ? On voit mal l'avantage d'un MacBook Pro 15" sans une connectique plus riche qu'un ultra portable.

La prochaine grande étape sera néanmoins de mettre cet USB C sur les MacBook Pro, quitte à précéder l'arrivée de périphériques à ce format en volume suffisant. La question est de savoir si Apple fera ce changement à design égal ou si elle prévoit en même temps une révision du châssis des MacBook Pro. On a vu aussi qu'Apple avait modifié la structure de ses batteries. Elle viennent épouser les parois internes sinueuses de ce MacBook, comme le ferait presque un liquide. Toutes ces idées vont naturellement servir aux prochaines générations de MacBook Pro.

La batterie d'un MacBook Air qui ne peut occuper tout l'espace libre à la pointe de la machine et à droite celle du MacBook, découpée en tranches

En résumé, la feuille de route des prochains portables d'Apple a été très officiellement dévoilée. Tout ce qu'il y a aujourd'hui dans le MacBook va se retrouver distillé, par étapes, dans les autres machines, ce n'est qu'une question de temps. Les choix opérés avec ce MacBook peuvent surprendre, dérouter, inquiéter ou agacer. Mais Apple refait ce qu'elle a déjà fait par le passé : créer une machine moins pour l'instant présent que pour les prochaines années où, au fil du temps, améliorée, elle s'imposera par son évidence. Sur ce point, il n'y a rien eu de nouveau hier soir, on pourrait même dire que c'est toujours le même refrain… et c'est tant mieux.

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avatar sas13 | 

ce nouveau macbook ne correspond pas du tout à ce que j'attends d'un ultra portable. Le MBA correspond bien mieux a mes attentes. Alors tant qu'il est proposé en plus du MBA, ça ne me dérange pas, je réagirais violemment si apple prenait le même chemin sur le MBA. Le faire évoluer (puissance, écran rétina, consommation, un des port usb3 remplacé par l'usb-c), ok, mais surtout pas une fermeture des ports SD, thunderbolt, usb3 svp. Un message à Apple: merci de respecter la diversité des usages.

avatar macoupc | 

Bon article mais je suis quand même déçu par ce macbook, trop c'est trop ! Plus rien ne marche sur ce MacBook. On jette tout ?

avatar conster | 

Ce portable est, comme le montre les commentaires en avance sur son temps. Il fait le pari (déjà gagné?) que tout ce passera désormais dans le cloud. Et tout tant à penser que c'est comme ça que cela va se passer. Tout dans le nuage. L'ultra portabilité débarrassée de tout accessoire qui limite l'ultra portabilité. Pour les esprits encore encombrés de clés usb, de disques externes et autres, ce portable est une gageure. Ils ont les autres modèles à leur disposition. On ne peut pas reprocher à Apple d'aller jusqu'au bout du concept que S. Jobs avait édicté au lancement du premier modèle.

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