Plug-ins ProRes RAW : Apple veut imposer un « format vidéo RAW universel »

Anthony Nelzin-Santos |

Présenté en 2007 avec Final Cut Studio 2, le format de compression ProRes n’avait d’autre ambition que de fluidifier le montage grâce à l’emploi de fichiers intermédiaires (proxy). La présentation du format ProRes RAW avait donc été interprétée comme une simple réponse aux formats « bruts » de Blackmagic et Red pour Final Cut Pro X. Cinq ans plus tard, les plug-ins ProRes RAW pourraient pourtant s’imposer comme un « format vidéo RAW universel ».

Image Apple.

ProRes n’est pas un, mais plusieurs formats de compression avec pertes. Ses quatre premières variantes utilisent un sous-échantillonage de la chrominance 4:2:2 avec une profondeur de 10 bits, ses deux dernières variantes utilisent un sous-échantillonage 4:4:4 avec une profondeur de 10 ou 12 bits et un éventuel canal alpha, et toutes proposent un encodage à taux d’échantillonnage variable de la SD à la 8K. Vous n’avez rien compris ? C’est normal !

Disons que cela permet de créer des fichiers intermédiaires, ou proxy, plus légers et donc plus faciles à manipuler que les fichiers originaux. Le montage peut être réalisé en toute fluidité avec les fichiers intermédiaires, mais au moment de sortir le film, les données originales sont utilisées pour assurer une qualité maximale. Ce tour de passe-passe a sacrément accéléré la transition vers la HD puis la 4K.

Reste que la compression est réalisée après le dématriçage et le traitement des données issues du capteur, selon des méthodes propres à chaque fabricant. Le format ProRes RAW encode les données brutes du capteur pour laisser le dématriçage et les traitements à l’application de montage. Ces opérations nécessitent une plus grande puissance, mais les machines de 2023 sont mille fois plus puissantes que celles de 2007.

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ProRes RAW n’est pas exactement un format « brut », puisqu’il compresse toujours les données, même dans sa version HQ. Apple assure toutefois que « les artéfacts de compression visibles sont très peu probables avec ProRes RAW et extrêmement peu probables avec ProRes RAW HQ ». S’il a rapidement été adopté par Avid, Adobe, Atomos et Assimilate, ProRes RAW reste concurrencé par les formats « bruts » de Blackmagic et Red.

Apple semble vouloir sauter cet obstacle avec sa nouvelle architecture de plug-ins, présentée au printemps et détaillée dans la dernière révision du livre blanc consacré au format ProRes RAW, publiée en avant-première par Petapixel. Les plug-ins ProRes RAW permettent aux fabricants « de fournir leur propre ligne de traitement ProRes RAW pour tirer parti des caractéristiques uniques de leurs caméras, capteurs, optiques… ». Au montage, l’utilisateur peut choisir entre le traitement proposé par l’application ou celui proposé par le plug-in.

Apple aurait pu parler de « profil », mais elle est autrement plus ambitieuse. Avec ces plug-ins, « ProRes RAW peut être vu comme un format vidéo RAW universel » :

Chaque fabricant peut fournir ses propres instructions de traitement, de manière totalement confidentielle, en écrivant un simple plug-in ProRes RAW mettant en valeur la qualité et la personnalité de leurs caméras. ProRes RAW devient, de fait, le support de leur traitement personnalisé.

ProRes RAW est un format vidéo RAW unique, qui peut transmettre les caractéristiques singulières de toutes les combinaisons de caméra, capteur, traitement et optique. ProRes RAW fournit simplement les valeurs brutes du capteur avec une qualité et une efficacité optimale, et les plug-ins personnalisés se chargent du traitement.

Autrement dit : Apple veut réussir avec le format ProRes RAW et les caméras ce qu’Adobe n’a pas tout à fait réussi avec le format DNG et les appareils photo. Canon et Atomos proposent déjà le premier plug-in ProRes RAW pour les systèmes EOS R5, R5 C et R6MII enregistrant sur un Ninja V, V+ ou Shotgun Connect. Apple propose un nouveau SDK intégrant les plug-ins, qui fonctionneront bien entendu sur macOS, mais aussi sur Windows et Linux. Rappelons que les formats ProRes ne sont pas open source, même s’ils sont documentés et gratuits.

avatar Adodane | 

Donc c'est appelé ProRes RAW mais ce n'est pas un format RAW de données brutes. C'est un codec pour proxy, pour le montage si j'ai bien compris. Aucun rapport avec le DNG et aucune comparaison possible, si avec les formats propriétaires des constructeurs.

C'est un format propriétaire d'Apple et les seuls à ma connaissance à pouvoir acceler le traitement par hardware grâce à leurs puces, donc c'est intéressant pour Apple et pour les clients de ses solutions.

avatar mimicessa | 

@Adodane

Non, c’est un format Raw compressé mais partiellement debayeurisé contrairement au DNG qui n’est ni compressé ni partiellement debayeurisé. Cela s’apparente plutôt au Blackmagic Raw qui est également un format propriétaire. Red avec son brevet empêche quiconque de proposer un format raw compressé brut (même si Nikon semble avoir réussi à le proposer malgré le procès).

avatar Adodane | 

@mimicessa

C'est un format compressé avec perte, donc plus vraiment un RAW.

Après c'est vrai que Nikon propose ( a proposé) le NEF em brut, en compressé sans perte, en compressé avec perte.

avatar papalou | 

Le RAW de RED est compressé depuis toujours. Celui de Blackmagic aussi. Il n'y a que le RAW de la plupart des ARRI qui ne l'est pas, à ma connaissance. Et le Prores 422HQ n'est pas un proxy de montage, c'est un codec de master vidéo. Prores LT et Prores Proxy sont des ... proxy. La vidéo, c'est toujours compressé. Ne serait-ce que le sous-échantillonnage de la chrominance, c'est déjà une forme de compression de la taille des données. Donc sous-entendre que ce n'est pas un master mais un proxy parce qu'il y a compression est une approximation du rédacteur de l'article.

avatar mimicessa | 

@Adodane

Le 12 bits, l’absence d’échantillonnage de chrominance, la possibilité de changer notamment la balance des Blanc et l’iso (d’autres paramètres) en post-production le rapproche des caractéristiques du raw plus qu’autre chose. Le principe est que l’on récupère les informations brut du capteur et que dematricage se fait en post-production et non dans la caméra. Avec le ProRes Raw et Blackmagic Raw, une partie du dématriçage se fait dans l’appareil et l’autre en post-production à partir des données brut du capteur.
Un fichier non compressé ne permet pas forcément cette flexibilité. Il est juste pas compressé mais pas forcément raw.
La compression permet surtout d’obtenir des fichiers beaucoup plus légers qu’avec un format non compressé. Il suffit de regarder le Cinéma DNG pour s’en rendre compte.

avatar occam | 

@Adodane

"C'est un format propriétaire d'Apple"

DNG est également un format propriétaire d’Adobe, dans ce sens précis qu’il en demeure la propriété intellectuelle, même si Adobe assure ne vouloir poser aucune entrave, et qu’Adobe se réserve explicitement le droit d’en révoquer unilatéralement la licence en cas de litige :
« Adobe may revoke the rights granted above to any individual or organizational licensee in the event that such licensee or its affiliates brings any patent action against Adobe or its affiliates related to the reading or writing of files that comply with the DNG Specification. »

Cette petite clause envenime tout débat au sujet de la standardisation de DNG comme format d’archive, de partage et de sauvegarde, depuis le lancement du format. (J’en sais quelque chose, pour avoir eu mon lot de séances infructueuses.) Cela malgré l’ouverture effective et la transparence du format.

Il serait intéressant de savoir si et dans quelle mesure les expériences d’Apple avec la licence DNG les ont influencés dans leur présente offensive en faveur de leur ProRes RAW. Il faut rappeler que le format d’image (photo) ProRAW (à partir d’iOS 14.3) est en effet un format d’image DNG 12 bits, compatible avec les logiciels DNG. Apple a donc bien embarqué et intégré DNG ; ce qu’on n’imagine pas sans un accord en béton armé avec Adobe. Concernant les rapports avec Adobe, se pose également la question de savoir si l’offensive ProRes RAW ne signifie pas l’arrêt de mort effectif du format CinemaDNG, qui semblait moribond sinon mort-né.

avatar Javelin | 

@adodane

"C'est un codec pour proxy, pour le montage si j'ai bien compris"

non, tu n'as (strictement) RIEN compris... :)

avatar Urubu | 

Le rendent-ils totalement gratuit (encodage/décodage) ou faut-il payer des royalties?

Est-ce désormais réellement totalement ouvert (avec la possibilité d’exploiter totalement les capacités du ProRes Raw) où cela reste-t-il partiellement bridé sur toutes les autres solutions de post-prod que FCPX (comme c’est actuellement le cas) ?

Parce que sans ça, bon courage

avatar itoltd | 

Si Apple veut vraiment que le ProRes RAW devienne un codec de référence il n'y a pas 36 000 solutions :

1 → Démocratiser l'enregistrement du ProRes RAW en interne, sans passer par un Atomos (comme le propose DJI

2 → Trouver une solution pour porter le ProRes RAW sur DaVinci Resolve. Sans ça l'interêt du ProRes RAW est très limité. Mais on connait la guerre ProRes RAW vs Blackmagic RAW... ça risque d'être compliqué

avatar Snoo | 
avatar pariscanal | 

DNG c est top , comparable à un fichier d’appareil photo

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