L'histoire de la pub "HAL" d'Apple au Super Bowl 1999

Florian Innocente |

Dimanche, l'Amérique sera rivée devant le Super Bowl et Ken Segall en profite pour revenir sur la création d'une publicité d'Apple qui mettait en scène HAL 9000, l'ordinateur de 2001, l'Odyssée de l'espace.

Cette publicité fut précisément diffusée lors de cet énorme événement sportif, celui du début 1999. Après le très culte 1984 puis Lemmings (plutôt raté), c'est la troisième fois qu'Apple venait montrer une pub pendant ce match de football où les annonceurs font feu de tout bois.

HAL y reprenait son rôle d'ordinateur inquiétant mais en rattachant cette fois son propos à l'actualité. En l'occurence, la crainte du bug de l'an 2000 où des millions d'ordinateurs allaient peut-être planter, incapables de basculer correctement dans le nouveau millénaire.

Steve Jobs, lors d'une conversation téléphonique avec Ken Segall à l'été 1998, émit l'idée de rebondir sur cette peur en mettant en avant le fait que les Mac étaient immunisés. C'est en se couchant que Segall eu l'idée d'associer HAL à ce bug du millénaire, il la nota sur un post-it qu'il colla sur son frigo pour la retrouver le lendemain. Les bonnes intuitions ne survivant pas toujours à une longue nuit.

Avant de proposer quoi que ce soit à Jobs, Segall travailla sur un script avec Susan Alinsangan, l'une de ses collègues chez TBWA/Chiat/Day (elle fera plus tard la grande campagne pour l'iPod avec les silhouettes dansantes). L'idée était simple, faire un zoom avant, très lent, sur HAL s'exprimant comme dans le film de Kubrick.

Steve Jobs fut emballé. Segall suggéra alors de s'en servir pour le Super Bowl prévu au mois de février de l'année suivante. Le patron d'Apple laissa la porte ouverte à cette proposition.

Il fallait toutefois obtenir les droits d'utilisation de HAL. La Metro Goldwyn Mayer se laissa convaincre sans trop de difficultés. Pour Stanley Kubrick, absent des États-Unis à ce moment là (il tournait Eyes Wide Shut et n'était pas vraiment réputé pour sa disponibilité), l'agence de publicité créa un coffret dans lequel était expliquée la pub et, de manière à flatter le réalisateur, où furent ajoutés des visuels qui donnaient à penser que cette pub pourrait s'inscrire dans le prolongement de la grande campagne Think Different, avec ses affiches gigantesques.

Quelque jours plus tard, Kubrick donna sa bénédiction lui-aussi. Il fallait maintenant récréer physiquement HAL et lui redonner sa voix si particulière.

TBWA/Chiat/Day n'avait pas le droit de reproduire strictement à l'identique HAL 9000 et tout le complexe informatique autour de son œil rouge. Mais l'équipe en fit une version très fidèle dans l'esprit. Une précieuse lentille de 100 000 $ fut même louée pour essayer de s'approcher de l'effet visuel produit par celle du film. Il a fallu régler également les éclairages néons pour obtenir de reflets très ressemblants. Tout cela n'a pas été refait de A à Z par ordinateur…

L'acteur qui avait donné sa voix à HAL 9000, Douglas Rain, envoya balader l'équipe lorsqu'elle le contacta pour lui proposer de jouer la scène. Acteur canadien de théâtre, Rain refusait de se mettre au service d'une publicité.

Segall avait jusque là prêté sa voix pour les maquettes, mais il fallait trouver quelqu'un capable de véritablement restituer l'atmosphère, tout autant calme qu'oppressante que distillait la voix de HAL 9000. Plusieurs auditions plus tard, Tom Kane fut choisi. Sa voix avait servi notamment pour ses personnages de Star Wars en jeux vidéo, dont C-3PO.

Segall raconte que Kane lui avait expliqué que la tonalité toute particulière de la voix de HAL/Douglas Rain résidait dans le léger accent canadien de l'acteur. Kane continua plus tard de travailler avec TBWA/Chiat/Day pour d'autres voix-off de pubs Apple.

Steve Jobs fut d'abord sceptique quant à la voix qu'il entendait derrière l'interprétation de ce nouveau HAL, puis il changea d'idée après les explications de Segall et valida le choix.

Alors que tout était sur les rails et que le rendez-vous du Super Bowl encore éloigné de quelques mois, le patron de TBWA/Chiat/Day, Lee Clow, commença à craindre que le clip ne soit pas adapté pour ce contexte. La pub était calme, la voix posée et basse et le tout allait être utilisé dans une enceinte sportive extrêmement bruyante avec des spectateurs pas nécessairement assez attentifs à un clip aussi peu rentre-dedans.

Ce questionnement fut suffisamment marqué pour que l'agence commence à chercher d'autres idées, mais en vain. Pas de plan B, mais pas de Super Bowl non plus.

À défaut, la pub fit son apparition en introduction du keynote de la Macworld Expo 1999 où allaient être dévoilés les Power Mac G3 ainsi que les cinq nouvelles couleurs de l'iMac. Elle servit aussi lors d'un échange avec Steve Jobs. Le clip avait été refait dans une seconde version pour créer des espace et laisser Jobs interagir avec HAL. Quelques défauts de synchronisation par les techniciens en coulisses se virent pendant l'échange, explique Segall, mais HAL fit son effet. Au point que l'idée du Super Bowl fut remise sur la table. Jobs dit banco, le clip fut diffusé et plutôt apprécié, même par Kubrick qui par la suite appela Jobs pour le féliciter.

avatar iPitch93 (non vérifié) | 

Sauf qu'on est passé dans le nouveau millénaire en 2001.

avatar DarkSide | 

@iPitch93

Mais le bug date bien de l'an 2000.

avatar Timekeeper | 

@DarkSide

Mais la bonne phrase serait "incapables de basculer correctement dans la dernière année du précédent millénaire". Hum…

avatar petergab | 

Si le Mac franchissait l'an 2000 sans problème, certains logiciels ne fonctionnaient plus.
Par exemple la compta Meteor, il fallait reculer la date du Mac pour continuer à fonctionner.
Ce qui arrivait aux logiciels qui ne suivait pas les "Guidelines" Apple...

avatar occam | 

Steve Jobs avait raison d'être sceptique.

La voix de Douglas Rain était inimitable. L'effet « gorge profonde » ajoutait des mégatonnes à la menace sous-terraine qui en émanait.

avatar béber1 | 

Steve avait vraiment le sens des présentations qui frappent.
Même s'il ne faut pas oublier de considérer l'importance du partenariat avec l'agence TBWA/Chiat/Day, et de Ken Segall surtout, qui ont été des acteurs déterminants dans la stratégie de reconquête de la nouvelle Apple voulue par Jobs.

Le 'i' de tous les iProduits sont dûs à Ken Segall. Une trouvaille carrément géniale, qui donnait une unité et une reconnaissance à tous les produits Apple qui ont suivis.
On ne peut plus penser à un iQuelquechose sans penser à Apple.
Tout cela pour rappeler l'importance capitale et la chance quasi unique de ce partenariat historique.

avatar coolgamer | 

Je tente ma chance !

avatar Toz | 

I'm afraid that Tu t'es trompé d'article, Coolgamer!

HAL.

avatar xbill | 

Si vous voulez en savoir plus sur hal et son fisheye Nikkor 8mm:

https://youtu.be/1hsv6YtNXus

avatar la.fouine | 

Les reflets flous, ouateux de l’œil de HAL (l’original) sont vraiment beaucoup plus troublants que ceux de la publicité Apple. Pourquoi avoir voulu copier ?
Vanitas patatas.

avatar noxx09 | 

Une époque où Apple était encore dans la course à la puissance...

avatar 789qwe2 | 

eh oui, c'était tout une époque !

On en est bien loin maintenant.

C'est aussi dommage, qu'il n'y ait bientôt plus rien à raconter sur l'Apple d'aujourd'hui. Je ne suis pas pour faire remonter tout ces vieux trucs d'y il y a 25 ans, ça n'avance à rien et ça rend le site bien vieux et désuet.

avatar pat3 | 

@innocente
"C'est en se couchant que Segall eu l'idée d'associer HAL à ce bug du millénaire, il la nota sur un post-it qu'il colla sur son frigo pour la retrouver le lendemain."

On en conclut donc que Ken Segall dort juste à côté de son frigo.

avatar pat3 | 

"Jobs dit banco, le clip fut diffusé et plutôt apprécié, même par Kubrick qui par la suite appela Jobs pour le féliciter."

Kubrick n'était donc pas ce mysanthrope acariâtre invivable qu'on nous avait décrit? On nous aurait menti?

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