Le 5 mai dernier, à l'issue du dernier jugement entre Apple et Samsung, la juge Koh avait demandé aux deux parties de faire un état des lieux de la médiation dans laquelle ils sont engagés à son invitation. Les premières discussions s'étaient soldées par un échec en février dernier.

Le compte-rendu transmis par Apple et Samsung [pdf] ressemble surtout à un cahier de doléances qui se conclut sur un désaccord. Les deux entreprises assurent de leur volonté de trouver un règlement à leur conflit mais elles produisent des emails et font une synthèse de ces échanges qui montrent que les routes empruntées sont encore loin de se réunir.

Apple écrit…

Apple exprime son doute sur la volonté réelle de Samsung de cesser d'enfreindre ses brevets ou de la dédommager. Le cabinet d'avocats d'Apple cite plusieurs déclarations à la presse de John Quinn, le conseil de Samsung, faites après le jugement du 5 mai. Des propos qui donnent le sentiment que Samsung s'assoit sur la condamnation à 119 millions de dollars dont il a fait l'objet.

« Je suis plus confiant que dans n'importe quelle affaire précédente que ce verdict n'est appuyé par aucune preuve. Ça n'ira nulle part. Il ne verront jamais cet argent. Ça ne tiendra pas. »

« Apple n'a jamais récolté un seul penny - ou réussi à interdire un produit sur le marché. C'est le Vietnam d'Apple et tout le monde en a assez. ».

Et dans une allusion au terme de « Guerre Sainte » qu'avait employé jadis Steve Jobs « C'est assez difficile de parler de règlement à l'amiable avec un jihadiste. » Apple renvoie ensuite aux informations parues dans l'article de Vanity Fair sur les pratiques litigieuses de Samsung ces dernières décennies pour s'assurer la conquête ou le contrôle de certains marchés (lire Samsung, l'empire toxique).

La firme de Cupertino veut également obtenir de Samsung l'assurance que la participation de la Pomme à cette médiation ne sera pas dévoyée. C'est à dire, qu'elle ne sera pas brandie par le coréen pour donner à penser qu'Apple est disposée à accorder des licences sur ses brevets afin de cloner ses produits. Ni que cela servira à obtenir une licence à un coût réduit ou pour réfuter une éventuelle injonction gagnée par Apple sur les produits de Samsung.

Il y a un désaccord sur le premier point dans le compte-rendu donné à la juge, Samsung affirme qu'il a effectivement fait valoir dans le premier procès qu'Apple était intéressée par des licences payées de ses brevets. Mais jamais il n'a parlé de licences donnant l'autorisation à Samsung de réaliser des produits identiques à ceux d'Apple.

En résumé, ce n'est pas parce qu'Apple est d'accord pour discuter que cela implique une inflexion dans sa position. Des garanties auxquelles Samsung a refusé d'accéder.

Apple insiste aussi dans son courrier sur les trois verdicts rendus en sa faveur à ce jour et un jugement en voie d'exécution à l'ITC pour un montant total de 1,1 milliard de dollars.

Samsung répond

Dans la seconde partie du document, Samsung donne sa propre lecture des faits. Son conseil explique qu'Apple, au 7 mai, ne s'était toujours pas manifestée et qu'il a fallu la relancer — cette synthèse devrait être adressée à la juge au plus tard le 19 mai.

Le 13 mai, écrit Samsung, Apple a répondu en faisant valoir les verdicts dans laquelle elle est sortie gagnante et en listant ses conditions pour la poursuite de cette médiation. Apple avait rappelé la participation de ses dirigeants à différentes réunions et le temps important consacré à ces rendez-vous. Avant le premier grand procès, détaillent les courriers d'Apple, Tim Cook a consacré cinq journées à cette médiation.

Samsung répond qu'il n'a pas ménagé ses efforts non plus, envoyant également à de multiples reprises certains de ses cadres de Séoul à San Francisco et à Los Angeles pour discuter de ce dossier (des « vols de plus de 10 heures » va jusqu'à préciser le courrier).

Samsung rejette la demande d'Apple pour ne pas exploiter sa participation à cette médiation, en estimant que cela ne devrait aucunement l'inquiéter si sa volonté était vraiment de trouver un terrain d'entente. Le conseil de Samsung ajoute que c'est à la justice de dire ce qu'il peut employer comme arguments et non à Apple. De même, le coréen insiste sur le fait qu'il ne pose aucune condition à sa participation aux discussions et qu'Apple ne s'est pas interdite d'exploiter le contenu de certaines de ces réunions dans le cadre des procès.

S'agissant des déclarations de son avocat mises en exergues par Apple, Samsung les écarte de la problématique de cette médiation. Le groupe coréen a décidé que certains points du jugement ne sont pas valides à son goût mais que cela ne l'empêche en rien d'être prêt à trouver un accord en parallèle, et sans conditions préalables.

Face aux propos d'Apple sur les verdicts passés, Samsung souligne qu'Apple a été reconnue coupable d'une infraction lors du dernier procès. Puis, qu'elle n'a pour le moment perçu aucun dollar des dommages et intérêts décidés par la justice et Samsung s'attend à ce qu'elle ne touche strictement rien en définitive.

Des extraits de presse sont aussi présentés, des articles qui expliquaient que le procès qui venait de s'achever avait vu plutôt Samsung qu'Apple gagner la partie. « Pour dire les choses simplement, Apple n'a rien à faire valoir de ces années de procédures et des centaines de millions de dollars dépensés en frais d'avocats. ».

Hier, le Korea Time racontait que des discussions avaient repris entre les deux adversaires. Il s'agit là d'un circuit de négociations séparé, mené directement entre les deux entreprises, sans la tutelle du médiateur désigné par la juge Koh. Il faut espérer que celui-ci se déroule sous de meilleurs auspices.